Le mois d’octobre 2024 a été le théâtre de faits de violences aux abords de certains lycées de l’est lyonnais : tirs de mortiers, feux de poubelles, etc. Des images impressionnantes, choquantes et de réelles craintes des enseignants et des élèves qui pourraient faire penser que ces violences sont le quotidien de ces établissements. Ces faits sont en réalité peu nombreux au regard d’une année scolaire, mais se répètent néanmoins à chaque rentrée. Est-ce pour autant une fatalité ? Que faudrait-il mettre en place pour dissuader les auteurs, pour que ces évènements ne se reproduisent plus ?
Le 10 octobre, le lycée Lumière dans le 8ème arrondissement est la cible de tirs de mortiers ; un enseignant est légèrement blessé. Une semaine plutôt, c’est la Cité Scolaire Sembat Seguin qui est la cible également de tirs de mortiers, de voiture et de caddy incendiés, le portail de l’immeuble est endommagé.
Les différents protagonistes du monde lycéen, élèves, enseignants, rectorat s'accordent à dire qu'il ne faut pas faire de ces événements une généralité. Mais c'est là leur seul point d'accord sur ces violences, leurs causes et les solutions à y apporter.
Aux abords de ce lycée attaqué quelques semaines plus tôt, Nadia (prénom modifié) se confie : « Je ne me sens pas en sécurité dans ce lycée… ça a été une violence méchante et voulue, c'est complètement immorale ». Pour elle, ces violences proviennent d'un climat social tendu, dans son quartier, qui se répercute dans son lycée, mais aussi d'une attitude irrespectueuse de certains de ses camarades envers les professeurs.
Nous, on relie la dégradation de la situation à des choix matériels, de supprimer des moyens d'encadrement des élèves
Une violence qui viendrait de l'intérieur, du climat scolaire dégradé, c'est aussi l'avis de Samuel Delor, professeur de lettres et d’histoire-géographie au lycée Marc-Séguin : « Nous on relie la dégradation de la situation à des choix matériels, de supprimer des moyens d'encadrement des élèves ». L'enseignant, qui est aussi secrétaire départemental de la CGT – Éduc’Action poursuit : « Le constat c'est que depuis ces violences, aucune réponse n'a été apportée, aucun moyen n'a été mis en œuvre ». Avec d’autres lycées, les personnels de Sembat Seguin s'étaient mis en grève en septembre, pour dénoncer le manque de personnel, et pour alerter sur un nombre de violences, à l’intérieur de l’établissement, des bagarres, des agressions, notamment d’un enseignant au Lycée Faÿs à Villeurbanne. Des "signaux faibles" que le rectorat n'a pas voulu prendre en compte selon Samuel Delor.
Pas assez de moyens ? Argument balayé par Jérôme Bourne-Branchu, directeur académique des services de l’Éducation nationale : « La cité scolaire Sembat Seguin est une des mieux dotées de l'académie, toutes les classes de secondes dans les filières générales et technologiques par exemple ont entre 25 et 26 élèves quand le taux d’encadrement moyen dans l'académie est de 31 élèves ».
Ce sont des faits qui viennent de l'extérieur, qui se produisent depuis l'extérieur, ne relèvent pas d'une forme de violence qui est interne à l'établissement
Mais alors d'où vient cette violence ? Pour le rectorat, cette violence vient de l'extérieur, même si ces signaux faibles ne sont pas à prendre à la légère : « Nous tâchons de détecter les signes avant-coureurs, avec les forces de sécurité intérieure, pour prévenir ces faits » précise Jérôme Bourne-Branchu, avant de poursuivre : « Mais c'est différent des autres problématiques que peuvent rencontrer les établissements. On sait que le harcèlement scolaire peut avoir des causes extérieurs, les réseaux sociaux peuvent le favoriser, mais c'est une forme de violence qui se développe aussi spécifiquement dans le cadre scolaire, et relativement auquel nous pouvons mettre en œuvre des programmes ».
Des causes et des constats qui varient, des solutions différentes également, avec deux camps qui s'opposent ou peut-être se complètent. Une réponse sécuritaire, c'est ce qui est avancé par la Région, en charge des lycées et de leur sécurité. Renaud Pfeffer est vice-président en charge de la sécurité : « Dès 2016, on a souhaité sanctuariser, sacraliser nos établissements scolaires. On a déployé un grand plan de sécurisation de nos établissements, un peu plus de 100 millions d'euros, pour installer de la vidéosurveillance, des filtrages, des contrôles d'accès, des portiques ». Un plan que la région souhaite poursuivre dans les années à venir pour prévenir les violences, mais aussi pour mieux repérer les faits et sanctionner les auteurs.
Ils ont réparé le portail, ils ont envoyé des messages aux parents pour dire qu'on ne devait pas aller au lycée ce jour-là, mais y'a personne qui a voulu qu'on témoigne en fait
« Il y a des fonds, notamment du Fonds interministériel de prévention de la délinquance, qui peuvent être mobilisés pour favoriser des équipements en matière de sécurité [...] pour que l'environnement à l'extérieur de l'établissement soit le plus possible protégé » abonde Jérôme Bourne Branchu.
Une réponse sécuritaire, disciplinaire également, et une volonté affichée de mieux prévenir ces violences. L'accompagnement des élèves aussi, pour être à leurs côtés après des faits de violences. Le rectorat précise qu'une cellule d'écoute est mise en place à chaque fois que ce genre d'évènement survient, ce qui surprend cette élève rencontrée aux abords d'un des lycées attaqués : « Ils ont réparé le portail, ils ont envoyé des messages aux parents pour dire qu'on ne devait pas aller au lycée ce jour-là, mais y'a personne qui a voulu qu'on témoigne en fait ».
Selon Samuel Delor, de la CGT Educ'Action c'est sur la prévention qu'il faudrait beaucoup plus investir : « On est un service public d'éducation [...] l'objectif c'est de les faire réussir... Il y a la petite minorité qui perturbe dans les classes, qui peut être auteur d'incidents, l'objectif c'est aussi de leur faire prendre conscience que la vie en société, c'est partager du respect commun, des règles communes. Une vision simplement réactive ne travaille pas là-dessus. Faut imaginer que ces jeunes ensuite vont devenir adultes, vont s'intégrer dans la société et donc si on ne donne pas à l'institution les moyens d'éduquer [...] en réalité on se condamne à ne faire que des constats et à pousser des hauts cris, mais à ne pas traiter le problème en profondeur ».
Ces violences sont-elles pour autant une fatalité ? Là, tous les acteurs s'accordent pour dire que non, en remettant notamment en parallèle une nouvelle fois le nombre de violences et le jour dans une année scolaire, et en mettant en avant tout ce qui se passe du bon et de bien dans les établissements.
La passion de l'éducation et de la transmission comme boussole, même si les différents acteurs semblent emprunter des chemins et des visions différentes.
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