Début avril, Julie Dominique Weber a sorti un clip de rap dans un esprit très alsacien mêlant humour et sens de la famille. L'ouvrière viticole de Bernardswiller rend un hommage au vignoble d'Alsace actuellement en proie à de nombreux défis.
RCF Alsace : Vous êtes ouvrière viticole, conseillère en taille physiologique de la vigne et formatrice en Alsace. De toutes ces casquettes, dans laquelle vous sentez-vous le plus à l'aise?
Julie-Domnique Weber: L'essentiel, c'est d'être dehors, en train de travailler, de construire, de construire de beaux vignobles pour faire de bons vins.
RCF Alsace : Début avril, vous avez sorti un single, Victicolmarien, qui cumule plus de 6,5 millions de vues sur YouTube. Qu'est-ce qui vous a motivé à écrire cette chanson et à tourner le clip ?
J.-D.W. : J'aime beaucoup le rap, notamment le côté "egotrip" : "Voilà, on est là, on est les meilleurs". Je me suis dit que c'était quelque chose de bien adapté à nous, en Alsace, ainsi qu'à notre vignoble et aux travailleurs qui y sont. L'idée était un peu faire notre publicité à travers la France et pourquoi pas à travers le monde, et de dire : "on est là, on fait des belles choses !"
RCF Alsace : Derrière cette fierté, la réalité viticole est parfois plus dure. La semaine dernière, l'Organisation internationale du vin a annoncé que la production mondiale de vin a chuté de 10 % en 2023, conséquence des aléas climatiques. Ce résultat vous inquiète-t-il ?
J.-D.W.: A échelle vraiment locale, en Alsace, on a quand même quelques inquiétudes par rapport au dérèglement climatique. Cela fait plusieurs années qu'on vit des sécheresses et des canicules plutôt consécutives. Nous sommes en train de nous poser la question de savoir si nos cépages rhénans sont encore adaptés à cette situation. Pour l'instant, cela n'est pas aussi horrible que dans certaines régions viticoles françaises, notamment dans le sud de la France. Pour autant, je ne pense pas qu'il faille s'inquiéter lorsqu'on sera au fond de l'impasse, mais déjà réfléchir à des solutions futures possibles.
RCF Alsace : Vous avez quelques idées ?
J.-D.W.: : Depuis quelques années, je pratique la taille physiologique (une méthode de taille de la vigne fondée sur la connaissance de ses systèmes de défense, ndlr) . On peut déjà voir des améliorations sur certains parcellaires par rapport à la résilience du végétal face à des sécheresses ou des fortes chaleurs. C'est déjà un point plutôt positif. Et puis on va s'adapter toujours en discutant avec des vignerons de coins différents, parce que l'Alsace est quand même une mosaïque de terroirs et de cépages divers. Il est donc toujours bon d'écouter tout le monde.
L'idée, c'est de dire : 'On est là et on fait de belles choses !'
RCF Alsace : Une autre manière de réagir à ces défis est l'humour que vous mettez en oeuvre dans votre clip semi-parodique.
J.-D.W. : J'aime l'humour. Je pense que c'est un bon moteur de vie, un moteur social aussi. Même si le fond est très sérieux, on peut rigoler un peu de certaines choses. En Alsace, on peut parfois être un petit peu moqués du reste de la France, donc allons-y pour un petit peu d'autodérision également !
RCF Alsace : Dans votre clip défilent des visages de plusieurs âges. Est-ce une manière de montrer que la situation des vignobles concernent toutes les générations ?
J.-D.W.: Tout à fait ! J'avais à cœur d'inviter sur le tournage Joseph Binner, le papa de mon premier patron, Christian Binner à Ammerschwihr. Il représente les Seppi, comme on les appelle ici en Alsace, ces figures aujourd'hui âgées mais qui ont travaillé dans les vignes dès leur plus jeune âge. C'est grâce à ces vieux personnages que l'Alsace est là où elle est aujourd'hui. La beauté de son vignoble et la qualité des vins : c'est ce qu'on cherche à entretenir. Pour les visages les plus jeunes, il s'agit de mes propres filles qui sont peut-être les ouvrières de demain.
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