La violence appelle t’elle la violence et comment reconstruire un monde dans lequel on se parle, et où l’on refuse la vengeance ? Alors qu’Israël s’enfonce un peu plus chaque jour dans la guerre, exhibant les terribles massacres de part et d’autres, c’est chacun de nous qui est saisit d’effroi. Pillage, violence, persécution, meurtres : comme en écho, le livre de Nahum nous livre une réflexion sur le mal.
Quand elle nous reçoit avec sérénité au cœur du Monastère de Jouarre, on pourrait croire que la vie de sœur Christine est une succession de moments de calmes et de rencontres paisibles. Il n’en est rien. Parce qu’elle est responsable du lien entre les monastères, sœur Christine voyage partout dans le monde. Elle en voit la beauté, comme les laideurs. « Je vois la persécution qui est effective. Et cette violence est partout, en Ukraine…comme dans le métro ».
Alors, elle se penche dans l’Ancien Testament. Et c’est à Ninive que nous partons, capitale de l’horreur : Ninive a écrasé tous les royaumes alentours. L’Assyrie a conquis la Samarie, tout le monde a été déporté, il ne reste plus que le petit Royaume de Juda autour de Jérusalem. En réponse, la colère du Seigneur se déchaine alors contre Ninive pour la réduire à néant. Ainsi commence le récit :
[Un Dieu jaloux et vengeur, tel est le Seigneur ! Il se venge, le Seigneur, il est empli de fureur ! Le Seigneur se venge de ses adversaires, lui, il garde rancune à ses ennemis. Livre de Nahum 1,2]
Pourquoi de telles violences, pourquoi c’est dans la Bible ? Mais parce que le cri des habitants meurtris de Ninive, c’est aussi le cri de ceux qu’on tue aujourd’hui et c’est ce cri que nous devons écouter. Il y a tant de pays où les gens hurlent de souffrance
Les versets se suivent, emprunts d’une incroyable violence. En lisant les récits des terribles batailles, la théologienne interpelle le lecteur, effrayé par ces lignes : « Pourquoi de telles violences, pourquoi c’est dans la Bible ? Mais parce que le cri des habitants meurtris de Ninive, c’est aussi le cri de ceux qu’on tue aujourd’hui et c’est ce cri que nous devons écouter. Il y a tant de pays où les gens hurlent de souffrance ».
Tristes échos aussi du massacre des enfants du Kibboutz de Kfar Aza par le Hamas, à la frontière qui sépare Israël de la Bande de Gaza.
[Ses petits enfants eux-mêmes ont été massacrés à tous les carrefours. Livre de Nahum 3, 10]
Sœur Christine rappelle que lorsqu’un empire était vaincu on écrasait les petits pour éviter qu’ils ne se vengent. « C’est une réalité, ce n’est pas inventé pour le texte ».
Dans ce récit, Ninive est l’archétype du mal, celui des Etats, celui des gouvernements, mais aussi celui qui nous traverse. Aussi, Sœur Christine invite t’elle à la réflexion sur notre attitude dans des circonstances de violence. « Le vrai enjeu pour un chrétien, ce n’est pas une vie bien réglée, avec des emplois du temps qui fonctionnent. Le véritable enjeu, c’est de dire, dans un monde traversé par des violences presque insurmontables : ‘Seigneur, que je te fasse confiance, que j’aime l’autre quel qu’il soit pour construire la paix aujourd’hui ou demain dans un monde si violent ». La lecture du Livre de Nahum par Sœur Christine, bénédictine au monastère de Jouarre est sans ambiguïté : « Notre responsabilité comme chrétien est de suivre le christ en disciple là où il nous a mis et de combattre cette violence par un désarmement intime , difficile ». Là où spontanément nous aurions envie de prendre, le texte appelle à ouvrir les mains, être désarmés, accueillir notre soif de justice, de tendresse, et de l’Amour de Dieu. « Rien n’est incurable ».
Maintenant que Ninive est écrasée, que tout est brûlé : est-ce qu’on rend le mal pour le mal ?
Le texte nous dit aussi combien on ne peut pas garder les peuples dans la violence. Dans la Bible : Il ne suffit pas d’avoir gagné. « Ce qui m’intéresse c’est qu’est-ce qu’on fait de cette violence ? Maintenant que Ninive est écrasée, que tout est brûlé : est-ce qu’on rend le mal pour le mal ? comment on reconstruit un monde dans lequel on se parle, dans lequel on se regarde face à face ».
Le Livre de Nahoum pose aussi la question de la responsabilité : meurtrie, pillée, détruite, saccagée, Ninive est inconsolable. « Quand le mal règne, il faut attaquer le mal par le bien et ne jamais se réjouir du mal » conclue Sœur avant de citer le verset 1 et 2 du chapitre 2 :
[Voici sur les montagnes les pas du messager qui annonce la paix. Célèbre tes fêtes, ô Juda, accomplis tes vœux, car le Mauvais ne recommencera plus à passer sur toi : il a été entièrement anéanti. Et voici contre toi ceux qui veulent te détruire. Monte la garde au rempart, surveille la route, ceinture-toi les reins, rassemble toutes tes forces. Livre de Nahum 2, 1-2]
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