Depuis le début de la crise sanitaire, les migrants qui arrivent en Europe et leur quotidien est passé au second plan. Pourtant, ils traversent, au péril de leur vie, la Méditerranée, ou passent par la très longue route des Balkans. Yves Pascouau est chercheur, spécialiste des questions migratoires et directeur des programmes à l’association lyonnaise Res Publica. Il est l’invité de la Matinale RCF.
Face au trafic migratoire dans la Manche, en pleine campagne des élections régionales, le président sortant Xavier Bertrand, a fustigé "l'hypocrisie des Britanniques" et "l'inaction du gouvernement français". Faut-il renégocier les accords du Touquet dont le but est d'entraver l'immigration irrégulière en Grande-Bretagne en renforçant les contrôles au départ de la France ? "Je pense qu’il faut les renégocier et les modifier parce que la situation est insatisfaisante et inacceptable. Les personnes en situation de migration viennent se heurter aux frontières. Elle l’est aussi pour les habitants du Calaisis", estime Yves Pascouau, selon qui il est important de préciser ce qui doit être négocié.
Dans le même temps, hors de nos frontières, le parlement danois a adopté jeudi une loi lui permettant d’ouvrir des centres pour demandeurs d’asile à l’étranger. Un immigré clandestin posant le pied au Danemark serait enregistré puis directement renvoyé vers un pays tiers pour l’examen de sa demande. En cas de refus, il devra quitter le pays hôte. "C’est une première pour un pays européen", affirme Yves Pascouau. "Le Danemark peut le faire parce qu'il n’est pas lié comme les autres par les règles européennes. Le Haut commissariat aux réfugiés a très clairement indiqué que ce type d’action n’est pas une action juridiquement légale et souhaitable. Le Danemark ne peut pas renvoyer dans un pays tiers des demandeurs d’asile en ne sachant pas quels seront les droits qui seront accordés à ces réfugiés", détaille le chercheur.
La crise sanitaire a eu des conséquences pour les personnes migrantes. "Le patient Schengen n’est pas en bonne santé", regrette Yves Pascouau. "Les contrôles aux frontières ont été rétablis de manière très importante. C’est totalement inédit. [...] Maintenant que la situation sanitaire est en train d’être mieux gérée, la question de la gouvernance de Schengen va être discutée. La question est de savoir comment on adapte, quelles sont les règles qui méritent d’être modifiées", assure le chercheur.
En dépit des multiples modernisations, Dublin, le mécanisme de détermination de l’État membre responsable de l’examen de la demande d’asile de tout migrant arrivé dans l’Union européenne, semble dysfonctionner. "Ce dispositif dysfonctionne parce qu’il a pour effet de faire reposer la responsabilité sur les États d’entrée donc du sud. Il y a beaucoup plus d’effets négatifs que positifs", conclut Yves Pascouau.
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