Rien n'est encore joué, mais les perspectives d'un fort taux d'abstention à la présidentielle interpellent. Les plus récents sondages avançaient fin mars un taux d'abstention autour de 38%. Certes, l'intérêt pour la campagne ne semble pas faiblir au vu des audiences des débats télévisés. Mais beaucoup de Français se disent déconcertés par cette campagne et la multitude d'affaires qu'elle dévoile, voire écœurés par le comportement de certains hommes politiques. Une France en panne d'espérance, ou qui n'attend plus les politiques pour agir.
Quelle est-elle cette France abstentionniste? Pour Jean Merckaert, la montée des extrêmes comme de l'abstention "révèle des traits communs". Ce pourquoi en septembre dernier, la revue Projet avait publié le dossier "Extrême droite : écouter, comprendre, agir". Car ce que révèle le vote extrême, selon le journaliste, c'est "ce sentiment d'abandon, d'humiliation, ressenti très fortement par beaucoup de nos concitoyens".
Ces Français, Jean-Marie Godard est allé les rencontrer. Pendant six mois il a sillonné les routes de France. Avec Antoine Dreyfus, il s'est rendu chez eux pour les écouter. Avec bienveillance et sans jugement, ils dressent le portrait d'une France triste, à la peine, qu'ils racontent dans "La France qui gronde" (éd. Flammarion). "On a rencontré des gens qui n'allaient pas bien du tout, par exemple dans le Nord et les zones touchées par la désindustrialisation massive. Des gens qui ont le sentiment d'être laissés à l'abandon."
"On a l'impression d'être abandonnés." Cette phrase, on l'entend aussi dans "Retour à Forbach", le film documentaire de Régis Sauder qui sort en salles le 19 avril prochain. Forbach, un village qui partage ce sentiment d'abandon, et tenté par le vote extrême.
Ce désintérêt pour l’élection questionne notre relation à la démocratie. Comment être citoyen aujourd’hui? Suffit-il de glisser tous les cinq ans un bulletin dans l’urne? Comment refaire du lien et recréer du sens au projet politique? Au niveau local, pourtant, la démocratie existe, les initiatives sont nombreuses et on peut même dire qu’il y a un fourmillement de projets pour reconstruire du commun. Jean-Marie Godard dit avoir aussi rencontré "une France qui innove, qui construit un tissu associatif extrêmement important et qui agit pour le bien commun et l'intérêt collectif", mais au niveau local.
"Si les gens s'engagent localement, c'est qu'ils ne croient pas aux leviers classiques du politique", observe le rédacteur en chef de la revue Projet, même si selon lui les leviers classiques ne sont "pas complètement rouillés".
Parce qu'il faut redonner aux Français "un récit porteur d'espoir", comme le dit Jean Merckaert, il faut redonner la parole à tous ceux qui sont prêts à relever les défis de la France du XXIè siècle. "Il y a énormément de richesses humaines, d'idées, de défis à relever", conclut Jean-Marie Godard.
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