Alors que le procès des attentats de janvier 2015 se déroule en ce moment au tribunal de Paris, une attaque a eu lieu vendredi devant les anciens locaux du journal Charlie Hebdo, visé par l’assaillant. Il a grièvement blessé deux journalistes de l’agence de presse Premières Lignes, déjà voisins du journal il y a cinq ans. Alexis Lévrier, spécialiste de l'histoire du journalisme, revient sur ces menaces qui pèsent sur les journalistes et sur la liberté d'informer.
Le classement annuel de Reporters Sans Frontières (RSF) qui évalue la liberté de la presse dans chaque pays est "assez tragique pour la France", qui se classe à la 34ème place. "Cela prouve qu’il y a des menaces. L’une vient du pouvoir. L’année dernière, 9 journalistes ont été convoqués par la DGSI [Direction générale de la sécurité intérieure, ndlr]. Ce sont des attaques surprenantes. Il y aussi des pressions qui viennent de la base, des réseaux sociaux", explique Alexis Lévrier, prenant l’exemple de Mila, une adolescente menacée de mort après avoir critiqué l’islam sur les réseaux sociaux.
Ces menaces font peser un risque d’autocensure selon le spécialiste. Même si le journal satirique a republié les caricatures du prophète Mahomet, certains journalistes ont arrêté ce combat. "Luz a quitté la rédaction de Charlie, lassé de toutes ces pressions", regrette Alexis Lévrier.
Si ces publications ne mettent pas tout le monde d’accord, "Charlie se bat pour notre liberté", selon Alexis Lévrier. "Depuis 1881, on peut attaquer la foi mais on ne peut pas attaquer les personnes". "Il y a un rôle de la part des médias de rappeler la loi", estime Alexis Lévrier. La protection du droit de blasphème et celle des victimes de discrimination "sont deux combats voisins". La loi est claire sur le droit de blasphème, il n'y a donc pas besoin de la renforcer, "il y a juste à la rappeler et à la faire respecter" assure Alexis Lévrier. Pour défendre ce droit au blasphème, 100 médias ont co-signé un tribune mercredi dernier pour "défendre la liberté".
Les attentats de janvier 2015 avaient mis au jour les erreurs de certains médias, comme celles de la chaîne BFM TV qui avait donné des informations en direct sur les otages de l'Hyper Cacher, que l’assaillant Amedy Coulibaly aurait pu découvrir. "La presse apprend de ses erreurs et il n'y a pas eu pour cet attentat [celui de vendredi, ndlr] les mêmes fautes que pour ceux de Charlie et de l'Hyper Cacher", estime Alexis Lévrier, qui précise que le visage de l’assaillant est apparu flouté, comme l’oblige la loi.
"Pour informer, il faut respecter la loi", affirme Alexis Lévrier. "C’est difficile pour les chaînes d’informations en continu parce qu'ils sont dans une instantanéité", affirme l’historien en dénonçant une "foxisation" de ces chaînes, en référence à la chaîne américaine conservatrice Fox News. "Je n'ai pas peur de l’excès d’information mais qu’il n’y en ait plus et qu’on supplante l'information par l’opinion", conclut Alexis Lévrier.
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