Avocat et directeur général adjoint de l’Institut Thomas Moore, think tank franco-belge libéral conservateur, Aymeric de Lamotte plaide pour la libération des consciences, contre l’enfermement dans les pensées uniques et les nouveaux dogmatismes. Pourquoi pense-t-il qu'il est urgent de transmettre notre héritage socio-culturel ? Qu’est-ce que le wokisme ? Pourquoi affirme-t’il que le wokisme anéantit notre fond culturel commun ?
Le virus de la politique et du bien commun l’a touché dès l’âge de 21 ans où il fut élu conseiller communal à Woluwe-Saint-Pierre. Formé au collège saint-Michel, scout toujours, il a obtenu son bac en droit à saint-Louis puis ensuite un master en International & European Law à la KU Leuven. Réélu en 2018, il a brièvement tenté l’aventure d’un nouveau parti libéral-conservateur aux législatives de 2019 en quittant le MR et en siégeant comme indépendant à WSP. Passionné de littérature et de montagne, il a écrit un bouquin à propos d’un récit de voyage : “Tempête sur l’Aconcagua”. En effet, à l'aube de ses 30 ans, Aymeric s’est lancé le défi de gravir l'Aconcagua, le sommet des Amériques. Au fil de l'expédition, il affronte avec deux de ses amis les épreuves de l'altitude : le vent, le froid, la neige et, surtout, la perspective du redoutable mal des montagnes. Aymeric prend de la hauteur. Il touche le ciel. De retour en Belgique, il enfile sa toge d’avocat.
Depuis quelques années, il s’implique à mi-temps à l’Institut Thomas More, qui est à la fois un laboratoire de solutions innovantes, un centre d’expertise et un relais d’influence. Organisé en réseau, il réunit et fait travailler ensemble des personnalités politiques, des chefs d’entreprises, des experts et des représentants de la société civile. La démarche de l’Institut se fonde sur les valeurs que sont la liberté et la responsabilité, le respect de la dignité de la personne, la subsidiarité, l’économie de marché, les valeurs universelles qui sont l’héritage commun des pays européens. Inspiré par la pensée chrétienne, l’institut est placé sous le patronage d’une personnalité politique anglaise de premier plan.
L’idée de prendre la figure de Thomas More pour référence s’est naturellement imposée aux fondateurs de l’Institut. Humaniste, savant, personnage de dimension européenne, Thomas More (1478-1535) a été fait saint patron des responsables politiques et de la vie politique par le pape Jean-Paul II en l’an 2000. Par sa vie, et jusque dans sa mort, il a montré ce que la force du courage, la paix des convictions et la confiance dans l’action pouvaient réaliser. Nommé lord chancelier du royaume d'Angleterre par Henri VIII en 1529, il a été le premier laïc à accéder à cette fonction, équivalente à celle de Premier ministre. Ce sont les affaires matrimoniales d'Henri VIII qui lui causent les plus graves soucis. Le 11 juillet 1533, le pape excommunie le roi, autrement dit lui interdit l'accès aux sacrements de l'Église catholique. Les rapports du chancelier avec Henri VIII se dégradent brutalement lorsque le roi signe en 1534 l'Acte de Suprématie par lequel il rompt avec le Saint-Siège et s'affranchit de l'autorité pontificale. Sir Thomas, fidèle à ses engagements religieux et à l’unité de l’Eglise, refuse de prêter serment au nouveau chef de l'Église anglicane. Le tribunal royal se réunit en juin 1535 et le condamne pour trahison à la décapitation publique. Thomas More a notamment écrit :
Chercher le bonheur sans violer les lois, est sagesse ; travailler au bien général, est religion ; fouler aux pieds la félicité d’autrui en courant après la sienne, est une action injuste
Aymeric de Lamotte est inspiré par le député européen français François-Xavier Bellamy. Philosophe et adjoint au maire de Versailles, c’est un intellectuel couplé à un fort engagement social. Il a notamment écrit « Les déshérités, ou l’urgence de transmettre », aux éditions Plon, un remarquable essai sur ce qu’il faut bien appeler la crise de l’éducation, la faillite de l’enseignement. Comment appeler autrement le refus délibéré de transmettre la culture, «de rendre à la jeunesse les savoirs dont ses aînés ont hérités».
Un film inspirant est “Une vie cachée” de Terrence Malick. Cette biographie raconte le combat d'un paysan autrichien contre le nazisme. En 1938, alors que les troupes d'Adolf Hitler ont envahi l'Autriche, Franz Jägerstätter est le seul dans son village à s'opposer ouvertement à ce régime antisémite. D'année en année, il n'aura de cesse de mener un combat sans faille contre le nazisme au péril de sa vie.
Aymeric aime beaucoup le livre “L’éloge des frontières” de Régis Debray, homme de gauche. « Quand on supprime des frontières, on construit des murs. » Dans son essai, publié aux éditions Gallimard, Régis Debray prend le parti de retracer des limites entre les collectivités humaines dans un monde soumis à une mondialisation effrénée. Ainsi, Debray affirme-t-il : « On confond les frontières et les murs. Les frontières sont un vaccin contre les murs. Elles permettent le va-et-vient. La frontière est une marque de modestie et de respect de l’autre : non, je ne suis pas partout chez moi. »
Le lieu où Aymeric apprécie particulièrement se retrouver est la Grand Place de Bruxelles. Il apprécie aussi le calme des abbayes, en particulier Chimay ou Orval, où il a passé des blocus d’étudiant.
L’invité de l’émission se lève contre la domination des consciences et la tyrannie des minorités. En particulier, il dénonce le wokisme, ce puissant courant de pensée qui traverse la société. Pour lui, il s’agit d’un phénomène de déconstruction néo-marxiste, qui lit le monde avec un filtre dominant-dominé. Alors qu’Alexis de Tocqueville avertissait du risque d’un “despotisme de la majorité” que l’on retrouve dans son maître-livre “De la démocratie en Amérique”, Aymeric de Lamotte cite le philosophe Raymond Aron. Celui-ci tempère les propos de Tocqueville. Il affirme que ce dernier se trompe et méconnaît la force des minorités fanatiques. Alors que, par le passé, la censure venait d’en haut et tombait comme un couperet sous la forme d’un décret royal ou gouvernemental, l’avènement des réseaux sociaux fait surgir à l’horizontale des groupements d’activistes minoritaires. Ces activistes fondent en meute sur tel ou tel thème, se posant victimes d’opposants au progressisme. En quelques heures, un respectable intellectuel ou scientifique doit soudain se défendre des pires infamies. Il est éjecté du périmètre de respectabilité à coups d’anathèmes comme “raciste”, “transphobe” ou “xénophobe”. Par ses revendications racialistes et genrées, le wokisme attise le sentiment victimaire des communautés raciales et sexuelles. Cette nouvelle tyrannie démocratique mène à la destruction de nos repères communs et fondamentaux, fruits d’une longue maturation historique, histoire, langue, référents culturels et civilisationnels. Chacun se replie sur sa vision du monde et de l’homme et se regroupe avec des personnes qui pensent comme lui, ce qui peut mener à des affrontements entre communautés.
Alors que le wokisme se complait dans la revendication, Aymeric exprime sa gratitude pour ce qu’il a reçu de ses parents, pour ce qui lui a été transmis. Il défend évidemment les libertés et les droits individuels, indissociables de notre vie démocratique, mais souhaite réhabiliter les notions de devoir, d’engagement, de don, qui ont été dévalorisées ces dernières décennies. Il a une furieuse envie de rendre. Il s’émerveille pour notre culture européenne. Aymeric de Lamotte perçoit d’ailleurs un sentiment d’urgence dans la transmission et l’éducation. “Il n’est pas nécessaire de tout réinventer. Ce n’est pas parce que c’est nouveau que c’est bien. La transmission est un enjeu majeur. Est-il opportun de déboulonner les statues du roi Léopold II ? Assumons notre histoire, comprenons-la pour essayer d’écrire un meilleur avenir.”
L’invité de RCF God’s Talents se sent profondément belge. Pour les 200 ans du pays en 2030, il ne voit pas l’implosion du pays mais une refédéralisation de certaines matières et compétences. S’inspirant de la pensée de la philosophe juive Hannah Arendt, il observe que la politique évolue, pas nécessairement dans le bon sens. Le métapolitique libéral-conservateur aime l’idée d’Arendt que l’homme politique s’engage dans le domaine public, non pour se servir, non pour faire carrière, mais pour servir plus grand que lui, le bien qu’il a en commun avec d’autres.
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