Du 18 janvier au 30 avril 2018 s'est déroulée la première phase des états généraux de la bioéthique. Une phase de consultation avec, partout en France et sur internet, des débats ouverts à tous. Si la forte mobilisation via internet est une "surprise", selon Loup Besmond de Senneville, une autre surprise est "la mobilisation particulière des anti-PMA ou en tout cas des plus conservateurs". La Fondation Jérôme-Lejeune, Alliance Vita, La Manif pour tous, l'Église catholique, les évangéliques... "Les états généraux de la bioéthique ont-ils été accaparés par les anti-PMA ? C’est la question qui revient régulièrement depuis la clôture officielle, fin avril, de la phase publique des états généraux de la bioéthique", écrit le journaliste de La Croix dans un article du 8 mai 2018. Si on n'a pas de mal à comprendre que la procréation et la fin de vie nous concernent tous, c'est moins évident pour des sujets plus techniques, comme la recherche sur les embryons.
ÉTATS GÉNÉRAUX DE LA BIOÉTHIQUE - Le 18 janvier 2018 s'ouvrent les États généraux de la bioéthique, une vaste réflexion pour réfléchir aux questions éthiques que posent les progrès de la science. Et envisager une révision de la loi de bioéthique à l'automne.
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Recherche sur l'embryon en France, ce que dit la loi
Les lois bioéthiques de 1994 interdisaient la recherche sur embryon humain. En 2004 on est passé à un régime d'interdiction avec des dérogations sous conditions. Mais en 2013, "changement de paradigme", nous dit Loup Besmond de Sennevile, on est passé "de l'interdiction avec possibilité de dérogation à un régime d'autorisation encadrée". Aujourd'hui, "le principe général c'est l'autorisation, et non plus l'interdiction".
"Il y avait déjà un paradoxe dans les lois de 1994", souligne le P. Bruno Saintôt. Si cette loi a créé l'article 16 du code civil ("La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie."), les embryons conservés in vitro n'avaient pas le même statut que les embryons in utéro. "Le conseil constitutionnel avait été saisi de cette question et avait estimé que le principe d'égalité ne s'appliquait pas aux embryons cryoconservés." À partir de là il y a "déjà quelque chose d'ouvert dans la loi", qui sous-entendait qu'on pouvait "faire des choses sur les embryons cryoconservés".
Comme le dit Blanche Streb, c'est le "projet parental" qui détermine le statut de l'embryon, tantôt vu comme "un être humain", tantôt considéré comme "un matériau de recherche". Blanche Streb estime que "le droit n'est pas le seul à devoir se prononcer sur ce qu'est un embryon".
En France, 280 protocoles de recherches ont été ouverts par l'Agence de la biomédecine (ABM) depuis 2004, et 63 équipes ont été autorisées à travailler soit sur l'embryon soit sur les cellules souches embryonnaires. "C'est-à-dire des cellules qui sont dérivées des embryons", explique Loup Besmond de Senneville. Embryons mis en culture et sur lesquels ont prélève des cellules dites totipotentes, "que l'on peut transformer en différents types de cellules", cellules de sang, de peau, de cœur... "C'est pour cela qu'elles sont si importantes aux yeux de certains chercheurs."
Régénération cardiaque, traitement de la DMLA (dégénérescence maculaire liée à l'âge) ou du diabète... Si des tests ont pu être effectués dans ces différents domaines, à ce jour, "aucun traitement de thérapie cellulaire" n'a encore été autorisé en France, précise le journaliste, car "aucune de ces recherches n'a abouti de manière satisfaisante pour délivrer un traitement".
"Pour obtenir des effets bénéfiques pour certaines personnes, est-il légitime de causer du mal à d'autres?" La question s'est posée très tôt en médecine. "Je rappelle que c'est la grande question qui a été posée par le tribunal médical de Nuremberg." Le Père Bruno Saintôt fait mentions des expériences médicales par des médecins nazis sur des déportés. "La grande question est : est-il légitime de produire un mal en vue d'obtenir un bien dont un suppose que ça va bénéficier au plus grand nombre?"
La recherche embryonnaire fait-elle donc du mal aux embryons ? "À partir du moment où on fait de la recherche sur l'embryon ou de la culture de cellules souches embryonnaires, rappelle Blanche Streb, l'embryon est voué à la destruction." L'auteure de "Bébés sur mesure - Le monde des meilleurs" (éd. Artège), et membre de Alliance Vita, rappelle que "sans garde-fou éthique, ça se retournera gravement contre nous" et qu'il est "gravement immoral d'instrumentaliser la vie humaine".
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