L'hospitalité, une tradition ancestrale, un devoir moral, et même un rite sacré dans certaines civilisations. Qu'en est-il pour nous aujourd'hui? Dans nos pays d'Europe, on envisage l'accueil sous l'angle des 'conditions d'hébergement', il est question d''ouverture' ou de 'fermeture de frontières', on évoque une 'crise des migrants' qu'il nous faut 'gérer'... Autant de termes 'abstraits' et 'collectifs' pour Jacqueline Kelen, qui ne nous rejoignent pas au cœur.
Et si avec elle on revisitait le sens du mot 'hospitalité'? C'est ce à quoi elle nous invite avec son livre 'Le sens de l'hospitalité' (éd. Guy Trédaniel). Un terme qu'elle a choisit de revisiter à la lueur de nos mythes fondateurs et des Écritures saintes. Parce qu'il ne se résume pas aux conditions matérielles de l'accueil. 'Une chose est de recevoir des amis ou des personnes que l'on connaît ; autre chose est d'ouvrir sa porte, voire d'héberger un inconnu, un étranger, un passant, un voyageur, etc.' La démarche intérieure n'est pas la même.
Les mots ont de l'importance et le choix de ceux-ci est essentiel quand on se penche sur une question aussi cruciale et complexe que celle de l'accueil. Une notion que l'on doit envisager à l'échelle collective comme individuelle, voire intime. En effet, parce qu'elle se réfère à un ordre à la fois social, moral, politique que spirituel, l'hospitalité pose question à chacun d'entre nous. Dans son ouvrage, Jacqueline Kelen l'aborde non pas d'un point de vue sociologico-politique mais se demande pourquoi elle est un devoir sacré dans les civilisations ancêtres de la nôtre.
Comme à son habitude, Jacqueline Kelen est allée glanée dans les mythes, la philosophie et les Écritures saintes pour enrichir sa réflexion et nous apporter de la hauteur sur un sujet sensible. Chez les Grecs de l'Antiquité, c'était en référence à Zeus que l'on recevait l'étranger. 'Une pitié toujours reliée à la piété, commente l'écrivain, c'est-à-dire le respect de celui qui passe, de l'être humain, au nom de la divinité.' Pour nous aujourd'hui, la question se pose.
'Dans nos sociétés matérialistes qui refusent ou qui renient toute transcendance, au nom de qui ou de quoi j'accueillerais volontaiement ou pas celui qui viendrait dans mon pays ou ma région?' La réponse est dans les droits de l'homme, 'mais ce n'est pas une transcendance...' prévient Jacqueline Kelen.
Quelle est la conduite bonne et juste que moi j'adopterais? Au nom de quoi? Au nom de qui? En fait il y en a de nombreuses questions que l'on pourrait se poser pour approfondir le sens de l'hostpitalité. Est-ce sous la contrainte que l'hospitalité doit se faire? Ou bien est-elle un élan du cœur? Une décision mûrement réfléchie? Les milliers de migrants qui frappent aux portes de l'Europe exige que nous nous interrogions. 'Hospitalité', le mot est de la même famille que 'hôpital' ou 'hôtellerie', et 'hôte', qui en français comme en latin désigne aussi bien celui qui reçoit que celui qui est accueilli. Voilà qui donne à réfléchir sur l'idée d'une réciprocité, celui qui donne n'est pas toujours celui que l'on croit.
'Hospitalité', un mot qui a la même racine que 'hostis', qui signifie ennemi. 'Il y a une réflexion profonde à mener sur ce thème ô combien humain', explique l'écrivain. Car l'hospitalité est aussi un risque. Et accueillir une ou plusieurs personnes chez soi 'n'est pas transposable' à l'accueil de milliers de réfugiés. Ce sur quoi insiste Jacqueline Kelen c'est sur l'échange et le partage, 'au mieux une amitié qui peut naître' dans la relation de visage à visage.
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !