Samedi 6 octobre se tient à l'Unesco à Paris le colloque "De quoi les nationalismes sont-ils le symptôme ?". Un rendez-vous organisé par la revue Passages et notamment l'association Espace analytique, qui propose d'observer la montée des nationalismes en Europe avec l'œil du psychanalyste. Pour Émile Malet, le directeur de la revue Passages, il s'agit d'envisager le nationalisme dans sa forme actuelle comme "une déviance du politique", et de "montrer" quelles sont les causes et les "symptômes" de cette "pathologie".
"L’exaltation nationale est un sentiment que je me suis efforcé, quand j’y inclinais, de réprimer comme funeste et injuste", disait Sigmund Freud (1856-1839), le fondateur de la psychanalyse, qui fut marqué durablement par la Première Guerre mondiale - comme on peut le lire dans un texte aux accents lourds de sens : Considérations actuelles sur la guerre et la mort (in "Essais de psychanalyse", éd. Payot, 1981). Cette Grande Guerre, cette "boucherie" comme on l’a aussi appelée, s’est achevée il y a 100 ans cette année. Des millions de vies furent sacrifiés sur l’autel d’une théorie de l'État-nation poussée jusqu’à son paroxysme identitaire.
Pourtant, si l'on considère le nationalisme comme la simple déclinaison du mot "nation", comme le dit Emile Malet, "ce n'est pas une mauvaise chose !" Tout comme "patriotisme" vient du mot patrie... On pourrait s'en tenir à la simple idée d'appartenance à une nation. Seulement le terme "nationalisme a tout de suite été très ambigu", rappelle Alain Vanier. D'un côté la nation désigne la communauté d'origine - le terme vient du latin nascere qui signifie "naître" - et d'un autre côté, la nation est ce qui depuis la Révolution française fait référence au peuple. Et aujourd'hui, le nationalisme tel que nous le voyons apparaître est "un nationalisme de protection" de "xénophobie", pour Laurent Stefanini. "Parce qu'on s'inquiète de cette évolution du monde."
Émile Malet identifie quatre causes à l'origine du "symptôme" :
- "Un multiculturalisme qui a perdu le sens de l'intérêt général et du bien commun", notre société fonctionne comme "un agrégat de cultures" qui ne communiquent pas entre elles ;
- L'accroissement des inégalités : "La droite comme la gauche ont failli sur un point capital qui est l'accaparement des richesses et du capital par une minorité" ;
- "Le revival religieux", entraîné, "il ne faut pas hésiter à le dire, par l'islamisme" ;
- "Les dégâts du numérique" devant lesquels l'éducation peine.
De ces bouleversements, dont on mesure la profondeur sans en percevoir les contours - Julia Kristeva parle d'une "étrangeté intérieure inquiétante" - ce sont les vieilles sociétés occidentales qui semblent souffrir le plus, comme le note le diplomate. Pour la psychanalyste, "le fond du problème est : pourquoi et comment l'humanisme est en difficulté, peut-être même en échec devant deux réalités : les étrangers et la transcendance".
Problème qui se pose aussi bien à l'échelle collective qu'individuelle, du politique et de l'intime. "Nous n'avons pas la possibilité de répondre à cette rupture du lien communautaire qui fait que l'individu se sent lâché dans une globalisation chaotique, sans limites, sans réglementation et sans autorité." Pour Alain Vanier, "on est dans un moment où le malaise social est grandissant, où les gens sont déboussolés." Et où les remèdes apportés à ce malaise sont d'une part "une psychologisation généralisée", et le "recours au religieux". Reste à analyser quelle forme de religieux.
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !