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Marie Derain de Vaucresson : "on ne fera jamais assez pour les personnes victimes, on part de loin, de très très loin"
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Marie Derain de Vaucresson : "on ne fera jamais assez pour les personnes victimes, on part de loin, de très très loin"

Un article rédigé par Simon Marty, Amélie Gazeau - RCF, le 30 juin 2022  -  Modifié le 17 juillet 2023

Marie Derain de Vaucresson a la lourde tâche de piloter l'Inirr, l'Instance indépendante nationale de reconnaissance et de réparation des victimes de violences sexuelles dans l’Église. En octobre dernier, le rapport de la CIASE révélé le chiffre de 330 000 victimes. Qu'est ce qu'une démarche de réparation ? Comment évaluer financièrement les traumatismes causés par un abus sexuel ? Elle répond aux questions de Simon Marty. 

Marie Derain de Vaucresson, présidente de l'Inirr ©AlainGuizard Marie Derain de Vaucresson, présidente de l'Inirr ©AlainGuizard

L'Inirr, une mission inédite en France

 

L'Inirr, l'Instance indépendante nationale de reconnaissance et de réparation a pour objectif de porter le devoir de justice et de réparation à l’égard de victimes de violences sexuelles dans l’Église, quand elles étaient mineures. Marie Derain de Vaucresson qui préside cette instance est juriste spécialiste des droits de l'enfant. Elle est, entre autres, secrétaire générale au conseil national de la protection de l'enfance .

 

L'un de ses missions principales est d'organiser l'indemnisation des victimes. Un exercice inédit en France aujourd'hui. "On ne se retrouve pas dans des dispositifs qui ont été prévus par la loi mais voulus par les évêques, assumant leurs responsabilités et exprimant aussi la volonté d'assumer ce devoir de justice et de réparation qui, de fait, ouvre pour eux la possibilité de demander un pardon en vérité, même si on en est pas là lorsqu'on entre dans la démarche de réparation" explique Marie Derain de Vaucresson.

 

Le ressort de la démarche de réparation [...] est aussi de participer à la reconstruction de l'Eglise qui, elle-même, a été abîmée, atteinte, par ce qu'elle a commis, par ce qu'elle n'a pas assumée, par ce qu'elle n'a pas voulu voir pendant des années

 

Qu'est ce qu'une "démarche de réparation" ? 

 

Réparer : remettre en bon état ce qui a été endommagé. La mission de l'Inirr est de proposer une démarche de réparation aux victimes d'abus sexuels dans l'Eglise. L'indemnisation n'est pas la seule proposition faite par l'Inirr. "Le ressort de la démarche de réparation, telle qu'on l'a construite à partir des principes de la justice restaurative, c'est d'abord de reconstruire, restaurer, transformer à la fois la personne victime mais aussi les liens qu'elle peut avoir avec ceux qui l'ont blessée, qui l'ont atteinte et se faisant participer aussi à la reconstruction de l'Eglise qui elle même a été abîmée, atteinte, par ce qu'elle a commis, par ce qu'elle n'a pas assumé, par ce qu'elle n'a pas voulu voir pendant des années [...] on est dans une dimension globale et ça ne peut pas passer uniquement par la dimension financière" constate la présidente de l'Inirr.

 

L'Inirr s'engage à poser une parole forte, symbolique, de confirmation et de reconnaissance de ce que la personne a vécu. Un dimension mémorielle inhérente à la mission de l'Inirr, mais également des propositions de réparations éventuelles comme de la médiation restaurative, un soutien pour les démarches juridiques, un accompagnement personnel et également une réparation financière.  "Notre travail au sein de l'Inirr c'est d'être dans cet accompagnement personnel, de faire émerger une demande si elle n'est pas déjà présente et de construire ce chemin de réparation avec la personne victime" explique Marie Derain de Vaucresson.

 

On essaye d'objectiver le plus possible quelque chose qui est très fortement subjectif

 

Comment évaluer la situation des victimes ?

 

La tâche de l'Inirr est complexe : comment évaluer financièrement les traumatismes causés par un abus sexuel ? Pour être le plus juste possible, l'Inirr se base sur un système d'évaluation qui repose sur trois axes. La gravité des faits des violences sexuelles, la gravité des manquements ou la prévention de ces faits par l'Eglise et enfin le troisième axe, plus complexe à évaluer, c'est la gravité des conséquences pour la personne. " On regarde tous les aspects de la vie d'une personne y compris les conséquences dans sa vie personnelle, dans sa vie familiale, dans les aspects de l'insertion sociale globale et on considère des niveaux de gravités de ces conséquences [...] on essaye d'objectiver le plus possible quelque chose qui est très fortement subjectif " explique Marie Derain de Vaucresson.

 

Une échelle d'évaluation allant de 1 à 10 a été instaurée notamment pour cadrer l'indemnisation des victimes qui peut aller jusqu'à 60 000 euros. Le système d'évaluation de l'Inirr a été critiqué récemment. Sa présidente est claire : " évidemment on ne fera jamais assez pour les personnes victimes. On part de loin, de très très loin. Il faut qu'on reconstruise cette confiance."  Marie Derain de Vaucresson priorise la rapidité du traitement des victimes afin de résorber un temps d'attente qui est aujourd'hui de trois mois minimum. Alors que le rapport de la CIASE a révélé le chiffre de 330 000 victimes de violences sexuelles dans l'Eglise catholique française entre 1950 et 2020, le chemin vers la réparation semble encore long mais les forces en oeuvre prêtes à continuer leur travail de justice.

 

 

On ne fera jamais assez pour les personnes victimes. On part de loin, de très très loin. Il faut qu'on reconstruise cette confiance.

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