'Cimetière', du grec koimêtêrion, signifie 'lieu pour dormir'. En ce jour des morts, on est nombreux à vouloir fleurir les tombes de nos défunts. Seulement voilà, ce sont pour la plupart des lieux à l'abandon, vidés de sens. 'J'ai beaucoup de mal à m'imaginer dans les cimetières actuels, peu nous parlent de paysage, de vivants', confie la paysagiste Nils Audinet. Entrée en vigueur le 1er janvier 2017, la loi du 22 juillet 2015 interdit les produits phytosanitaires dans les cimetières. Le signe qu'on commence à se réapproprier nos cimetières?
'On continue à vouloir ignorer ce qui se passe dans le sol', prévient Nils Audinet. La paysagiste est l'auteure de l'article 'La mort invisible - Composer avec la décomposition' paru dans le numéro 31 de la revue Les carnets du paysage. Elle rappelle que le cimetière est le lieu de la décomposition, celui où tout se recycle. Et pourtant, elle constate que dans notre société 'on repousse tout le temps la matière organique' et que 'ça se voit jusque dans les cimetières'. Elle déplore un processus qui n'est pas mis en avant ni en valeur.
Avec l'entrée en vigueur de la loi interdisant les produits phytosanitaires dans les cimetières, on peut espérer que l'herbe repoussera petit à petit entre les tombes. Brigitte Lapouge-Déjean, elle aussi paysagiste, a toujours été passionnée par les cimetières, mais elle a vu 'ces lieux se dégrader complètement, se vider de visiteurs, les tombes s'uniformiser totalement, les sols gorgés de pesticides'. Un patrimoine en ruine ou au mieux entièrement 'minéralisé'. Elle publie, avec Laétitia Royant un très beau livre, 'Funérailles écologiques' (éd. Terre vivante), qui répond à une forte demande du grand public d'être informé sur les façons d'inhumer respectueuses de l'environnement.
'Ce que l'on peut souhaiter de notre vivant, pour Nils Audinet, ce sont des cimetières très ouverts sur les paysages'. Comme par exemple celui de Saint-Michel-en-Grève (Côtes d'Armor) ou le cimetière monumental de Rouen, qui forme un véritable 'balcon sur la ville', apprécie Guénola Groud. Le cimetière, c'est un patrimoine architectural et paysager pour lequel il n'existe pas en France d'inventaire officiel. Le très bel ouvrage 'Cimetières et tombeaux - Patrimoine funéraire français' (éd. du Patrimoine), dirigé par Régis Bertrand et Guénola Groud est une première pierre à l'édifice.
Il faut écouter Brigitte Lapouge-Déjean nous raconter la fabuleuse histoire du cimetière de Saint-Bonnet-les-Tours-de-Merle! C'est celui d'une toute petit commune de Corrèze (39 habitants) dont le maire, Jean-Michel Teulière est très sensiblisé à la protection de l'environnement. Tombes à l'abandon, murets en ruines, herbe désséchée... et pas de moyens pour entreprendre de gros travaux de rénovation.
Le maire a eu 'l'idée géniale' de solliciter l'aide de tous les citoyens concernés par le cimetière de Saint-Bonnet-les-Tours-de-Merle. Après trois mois d'un chantier coopératif et solidaire - et l'aide d'entreprises qui ont donné des plants et des grains - le cimetière est non seulement en bon état, mais on y a mis des bancs pour s'asseoir, il y a des fleurs des champs qui poussent entre les tombes, et des oiseaux qui nichent dans une chappelle désaffectée. Le cimetière, lieu de décomposition... et de vie.
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