Pas un jour ne passe sans qu’un nouveau fait d’actualité nous rappelle que le racisme n’a pas disparu. Que ce soit au détour d’une comptine tendancieuse dans un manuel scolaire, au cœur d’un match de football durant lequel les insultes de supporters à l’endroit de certains joueurs pleuvent, sans parler d’une enseigne de prêt-à-porter qui a récemment fait polémique dans une publicité... En octobre 2017 a été publié l'ouvrage collectif "Antiracistes" (éd. Robert Laffont), qui dresse un état des lieux pour comprendre et analyser le racisme, ses origines et ses manifestations.
"L'antiracisme", énième serpent de mer politiquement correct que certains polémistes aiment à railler ? Ne serait-ce pas plutôt une attitude de fond qu’il faut cultiver si nous nous voulons encore demain vivre dans des sociétés réellement démocratiques et plurielles ? Le racisme, dans nos sociétés du XXIè siècle, pourtant prétendument civilisées, semble être une de ses réalités latentes, toujours prête à émerger et à s’étendre si nous nous n’y prenons pas garde. Mais pour cela, le bon sentiment ne suffit pas. II est nécessaire du prendre du recul pour analyser patiemment et le plus intelligemment possibles les ressorts du racisme afin de mieux le combattre.
À l'origine de la publication de l'ouvrage "Antiracistes", le Mooc (ou massive open online course, c'est-à-dire un cours en ligne) intitulé Le racisme et l'antisémitisme demandé à Michel Wieviorka par le ministère de l'Éducation nationale pour former les référents "racisme et antisémitisme" des établissements de l'enseignement supérieur. Un cours gratuit et accessible à tous qui rassemble les enseignements de Michel Wieviorka mais aussi d'une vingtaine de spécialistes, d'Etienne Balibar à Nonna Mayer, d'Edgar Morin à Lilian Thuram.
Le racisme, un phénomène pluriel et protéiforme auquel on peut donner plusieurs définitions. Le mot vient du terme "race" et que par conséquent "beaucoup pensent que c'est la vieille croyance qu'il y a une inégalité, une hiérarchie des races humaines", comme le précise Nonna Mayer. En référence aux idéologies nazies, notamment. "Aujourd'hui, 8% des personnes interrogées en Fance pensent qu'il y a une hiérarchie des races."
Cette façon de définir le racisme selon une association étroite avec la génétique est quelque chose de relativement récent, rappelle Etienne Balibar. Cela date de l'année 1978 au cours de laquelle l'UNESCO a publié deux déclarations sur les races et le racisme.
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Depuis la Seconde Guerre mondiale et la Shoah, "le racisme a changé", observe Nonna Mayer. Il a pris d'autres formes, car "les barrières ne sont plus celles de la race mais l'idée que les gens sont différents". On est passé selon la sociologue d'un racisme "biologique" à un racisme "culturel" où la différence s'établit sur les idées et les coutumes. "Plus simplement, le racisme, c'est un pré-jugé : on ne voit plus la personne mais on voit un groupe" auquel elle appartient et à propos duquel on a des clichés. Ce que, en somme, Claude Lévi-Strauss a nommé ethnocentrisme : ce qui fait qu'il y a "nous" et "eux".
Reste un élément "très fort" dans le racisme, "fondamental" même, selon Etienne Balibar et que celui-ci appelle "le schème généalogique". "Même dans le cas où on ne parle de plus de biologie", persiste l'idée que d'être né "dans une certaine culture et dans une certaine condition, ça se transmet intdéfiniment". D'où, selon le philosophe, cette façon de continuer à nommer "immigrés" des personnes qui sont Françaises depuis plusieurs générations.
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