Une exception française. La France est un pays où la politique, la religion et la littérature ont toujours eu partie liée. "Le pôle littéraire a toujours été en interlocution avec le pôle religieux lui-même en interlocution avec le pôle politique, et cela a constitué d'une certaine manière l'imaginaire politique français, et l'imaginaire tout court d'ailleurs", observe Michel Crépu. Un état de fait "sans équivalent en Europe ni dans le monde". Le discours d’Emmanuel au Collège des Bernardins mais aussi l'entretien que le chef de l'État a accordé à La NRF permettent de dresser un état des lieux de cette "trinité" bien française mais en plein bouleversement.
"Les chrétiens ont un rôle à jouer pour aider à retisser les liens brisés", écrit le P. François Euvé dans son édito du numéro de juin 2018 de la revue Études. C'est en somme ce qu'a dit Emmanuel Macron lors de son discours du 9 avril 2018 au Collège des Bernardins, prononcé en présence des responsables de l'Église catholique en France.
Un texte qui encourage les catholiques à participer au débat politique, non pas comme un lobby sur une seule catégorie d'actions mais en tant qu'acteur du débat politique dans sa diversité. Quand Emmanuel Macron dit "nous partageons confusément le sentiment que le lien entre l’Église et l'État s’est abîmé", l'allusion au quinquennat précédent et à La Manif pour tous est évidente. Mais les liens brisés c'est aussi une société fragmentée, où l'Église est justement invitée à participer à la "cohésion nationale".
Ce qui est "fascinant" et qui "fera date" pour Bernard Bourdin, c'est que l'on voit d'un côté des évêques - et là le dominicain cite spécifiquement Mgr Georges Pontier, le président de la conférence épiscopale - "qui tiennent un discours essentiellement anthropologique, éthique". Et d'un autre côté "vous avez un chef de l'État, garant de la laïcité, qui se met à faire de la théologie"!
Quand Emmanuel Macron parle de "la question intranquille du salut", de "horizon du salut" ou encore de "l’incertitude du salut" : en d'autres termes pour Bernard Bourdin, il dit aux catholiques : "Votre cœur de métier, c'est le salut et pas d'être une institution de régulation des mœurs." Il y a là quelque chose de "très novateur" de la part d'un président de la République.
Ces deux institutions que sont l'État et l'Église sont aujourd'hui fragilisées. On n'est plus à l'époque où l'État avait, jusque dans les années 80, un plan quinquennal, avec "une rationalité du futur" désormais impossible. De même "il n'y a plus de morale laïque, il n'y a plus de sacré républicain", comme le dit Bernard Bourdin. Tout comme la transmission de la foi n'est plus "automatique" chez les catholiques aujourd'hui. "Église et État sont devant les mêmes confrontations." "Et ce qui aujourd'hui est frappant et d'une certaine façon inquiétant c'est de voir que cette trinité [religion-politique-littérature] est très abimée, ne marche pas bien, déplore Michel Crépu, les pôles ne se parlent, pas ils s'ignorent.â"
"Il y a un point commun entre l'État et l'Église, c'est que dans leur finalité elles sont confrontées à la complexité du réel." Implicitement le chef de l'État s'est reconnu dans le document du Conseil permanent de la Conférence des évêques de France, "Retrouver le sens du politique" publié en octobre 2016. Un texte qui fait état d'une société complexe et bouleversée.
Or "la complexité c'est absolument l'affaire de la littérature", explique le directeur de La NRF. "L'affaire de la littérature c'est d'entrer en confrontation avec des choses qu'on n'arrive pas à comprendre, qui sont compliquées, contradictoires, paradoxales, où il n'y a pas de réponse."
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