L'abbaye de Villers-la-Ville, située dans la province du Brabant wallon, attire chaque année près de 120.000 visiteurs ! Fondée au 12e siècle par Saint-Bernard, le site cistercien rayonne depuis des siècles. Quelle est son histoire ? De nombreux événements culturels s'y déroulent pour tous les publics. Les alentours sont aussi très appréciés des touristes et des promeneurs. Découvrez ce remarquable site historique de façon complète. Yves Thibaut de Maisières a fait la visite pour vous !
Envie de plonger au coeur d’abbayes belges ? Ou encore d'expérimenter quelques promenades natures, de goûter les produits du terroir et de découvrir les évènements à proximité ou sur place ? C'est l'objectif de ces sacrées escapades avec 1RCF Belgique.
On vous emmène sur les pas des abbayes de Belgique, du 1 juillet au 1er septembre. (Re)visitez ce magnifique patrimoine et les merveilles qui s’y cachent !
La visite guidée audio de l'abbaye de Villers se fait en compagnie du directeur adjoint et l'historien de l'ASBL qui gère le site, Michel Dubuisson.
Les cisterciens arrivent tard dans le Moyen-Age. Les bonnes terres sont déjà prises depuis très longtemps et finalement ils se mettent dans des zones frontalières, des zones qui sont parfois contestées. Ce qui est vraisemblablement le cas ici, puisqu'on est sur un conflit local de propriété entre les chanoinesses de Nivelles et les seigneurs de Marbais.
C'est dans ce contexte-là qu'il faut voir l'intervention d'un personnage important dans son temps qui est Saint Bernard de Clairvaux. Il arrive jusqu'ici et en fait en quelque sorte c'est lui qui va peut-être installer la paix. Il a contribué à propager la réforme cistercienne partout en Europe, en commençant d'ailleurs par la fondation d'une nouvelle abbaye qui sera la plus célèbre, Clairvaux.
Saint-Bernard est venu ici et il a dit à la jeune communauté qui était installée à un kilomètre plus au sud, qu'ils devaient descendre plus bas dans la vallée parce qu'ils avaient choisi un mauvais lieu. On est certain que Saint Bernard est effectivement venu ici. On peut même le prouver historiquement et affirmer que c'était le 23 janvier 1147. Son biographe, son secrétaire, devenu ultérieurement son biographe, a raconté tout le périple qu'il fait dans ces mois-là lorsqu'il est en train de prêcher la deuxième croisade. Il est dans nos régions.
Villers s'est connu pour documenter tous les lieux qui constituaient la vie d’une abbaye cistercienne au Moyen-Age, même si c'est à l'état de ruines. On a tout d’abord le carré du cloître, l'église au nord, le réfectoire au sud, l'aile des moines à l'est, l'aile des convers à l'ouest. Mais au-delà de ce carré du cloître, on a tous les lieux de vie secondaires. Il y a l'hôtellerie, il y a la porterie, il y a même des prisons qu'on a conservées ici qui ont beaucoup impressionné Victor Hugo au XIXe siècle. On a le moulin qui lui a traversé la révolution et donc qui a continué à fonctionner et qui est un bâtiment intact, même s'il était fort remanié au XIXe siècle.
Saint Bernard, n'a pas écrit une règle, mais il a exigé qu'on applique strictement celle de Saint Benoît. Et il a été associé tout de même à la rédaction d'une autre règle qui est la règle des Templiers. Mais effectivement dans les usages cisterciens, le silence est d'or sauf dans certains lieux comme le parloir qui est un lieu affecté justement pour éviter qu'on bavarde partout ailleurs. Parloir ou normalement d'ailleurs on parle par langage des signes, on évite de parler autrement. La porterie bien sûr il faut pouvoir discuter avec les gens qui se présentent mais, disait bien Saint-Benoît, de façon très sobre. Au réfectoire, la lecture est faite tous les jours ; ce n'est pas propre à l'ordre cistercien, on trouve cette pratique chez les Bénédictins également, et chez les Trappistes qui sont finalement des cisterciens réformés, qui font partie de la grande famille cistercienne. La lecture de la Bible d'une voix monocorde se faisait au réfectoire, puisque c'est le lieu de la nourriture à la fois corporelle et spirituelle de régénération pour le moine.
La Belgique est aussi riche d'abbayes bénédictines. Maredsous est l'une des plus connues.
Le site cistercien de Villers contient 30 hectares dans le grand enclos, c'est-à-dire lorsqu'on additionne les bâtiments monastiques, la colline sur laquelle se situe la ferme domestique qui appartenait à l'abbaye, et une quinzaine d'hectares pour un enclos plus réduit qui est celui que visitent les touristes actuellement. L'âge d'or de la vie monastique à Villers se situe sans conteste au XIIIe siècle lorsque la communauté comptait 100 moines et 300 frères convers ! Ce sont des chiffres crédibles pour les 100 moines quand on regarde la taille du réfectoire, par exemple. En le voyant tel qu'il se présente aujourd'hui on se dit qu'il n'était pas fait pour 20 personnes. Le chiffre de 300 converses est crédible également. Bien qu'on n'ait pas de liste nominative pour l'époque, c'est crédible si on additionne les converses qui vivaient ici au sein de l'abbaye et ceux, pour la plupart, qui résidaient dans les granges et dans les fermes qui dépendaient de Villers. Les terres appartenant à l'abbaye s'étendaient jusqu'à Anvers !
C'est un chantier qui a été énorme. Il a fallu d'ailleurs, entre l’arrivée des premiers moines en 1146 et la construction définitive, 50 années. Les plus anciens bâtiments qu'on a conservés ici en élévation remontent seulement aux années 1197-1209, donc 50 ans après l'arrivée des pionniers.
Mais il y a plusieurs styles qui cohabitent, il y a à la fois l'art roman et le gothique. Par son état de conservation actuel, vous avez une magnifique coupe de l'architecture gothique par l'état des effondrements et des consolidations à la fin du XIXe siècle. On voit bien les voûtes d'ogive et on voit de part et d'autre des murs qui sont détruits. On voit apparaître les arcs-boutants servant simplement à faire tomber les forces sur un point précis, ça c'est le principe des ogives, et ce point doit être renforcé.
Alors à l'époque romane (10e et 11e siècles) on a eu tendance à placer un contrefort le long du mur extérieur, à l'époque gothique on va jeter un arc qui va renforcer le point d'arrivée des forces des voûtes. Ça permet en fait deux choses, d'une part d'avoir des murs qui vont aller beaucoup plus haut - parce qu'on pouvait renforcer plus facilement les points de poussée précis - et ça permet d'éviter les murs, donc on peut faire entrer la lumière. On a les traces d'une grande baie vitrée qui permettait d'éclairer toute l'église. C'est aussi parce qu'à l'époque, on construit le narthex, donc l'entrée de l'église, en style roman et on va attaquer le transept sud de l'église. Pourquoi ? Parce que c'est la prolongation des dortoirs des moines et des convers qui se trouvent à côté du cloître.
La Wallonie compte d'ailleurs de nombreux édifices religieux de l'époque romane !
Il y a une particularité à Villers, c'est qu'on a conservé non pas l'horloge hydraulique, la clepsydre, qui servait un petit peu au sacristain à savoir quand est-ce qu'il devait “sonner les matines” (comme dans la chanson de frère Jacques) mais on a conservé des ardoises qui expliquent le fonctionnement de cette horloge. Et on sait, par ces instructions, qu'on a pu dater dès la deuxième moitié du XIIIe siècle, que cette machine était réglée sur l'apparition du soleil dans une des fenêtres du cœur. Et visiblement, l'enjeu c'était de savoir à quel moment il fallait sonner l'office de nuit. Saint-Benoît a prévu dans sa règle que les moines devaient se lever après la huitième heure de la nuit. Parce que, ajoute-t-il, "ainsi la digestion est terminée”. C'est quelqu'un d'excessivement pragmatique, Saint-Benoît, c'est ça qui a fait aussi le succès de cette règle.
La journée est divisée, la période de clarté est divisée en 12 et la période d'obscurité est divisée en 12 aussi. Donc vous comprenez bien qu'en été les heures diurnes sont très longues, et inversement les heures nocturnes vont être très courtes. Donc aujourd'hui, ça serait "très simple" de régler une horloge hydraulique, puisqu'elle fonctionne simplement comme un sablier. À l'époque, c'était beaucoup plus compliqué. La huitième heure de la nuit est plus longue au fur et à mesure que je me rapproche de la fin décembre et plus courte à mesure que je me rapproche de la fin juin. D'où cette complexité pour le sacristain de bien régler chaque jour son horloge hydraulique, et d'où la nécessité d'avoir ces instructions qu'on a donc retrouvées à la fin du 19e siècle dans les soubassements du dortoir.
L'abbaye, très enrichie sous l'Ancien Régime, voit sa vie monastique péricliter. Avec la Révolution, le site est revendu en 1796. Elle tombe ensuite dans les mains d'un marchand de biens qui l'a dilapidée pour revendre les matériaux.
S'il y a bien un lieu qui a impressionné Victor Hugo, ce sont les 4 cachots de l'abbaye !
On a découvert que Victor Hugo était venu cinq fois à Villers ! S'il y a bien un lieu qui l'a marqué, ce sont les cachots. On a conservé ici quatre cachots. C'est très rare dans le monde cistercien - non pas qu'il y en ait -, mais qu'on les ai conservés. Ils ont tellement impressionné Victor Hugo au XIXe siècle qu'il les a même décrits dans Les Misérables.
Il vient passer quelques jours, deux années d'affilée ici à Villers, et il restait longtemps. C'est au moment où il termine son séjour dans nos régions, après un passage à Waterloo en 1861. Evidemment, il a imaginé qu'on y enfermait des moines fautifs pour l'éternité. Il faut probablement nuancer cette idée.
On sait que l'abbaye de Villers a été associée à un procès de sorcellerie où il y a eu pas mal de religieuses qui furent enfermées en attendant leur jugement et, malheureusement, certaines ont été envoyées au bûcher parce que l'abbaye avait donné beaucoup crédit à ce qu'on racontait sur ces religieuses.
Laurence Balseau, chargée de communication et d'événementiel à l'abbaye, se réjouit que le site attire aujourd'hui de nombreux publics. C'est un lieu ressourçant, où l'on peut lire, méditer, assister à des concerts, chanter...
Tout dépend de l'événement. On attire un public large mais aussi très ciblé. Ce que nous souhaitons dans notre programmation annuelle, c'est de pouvoir donner à chaque personne la possibilité de s'y retrouver dans ses envies. Au mois de septembre, par exemple, c'est le jardin du yoga, pour le côté bien-être, en ciblant vraiment un public spécifique. Il y a aussi des chorales éphémères ou des ateliers d'herboristerie. D'autre part, nous voulons attirer un public plus familial en proposant des activités adaptées aux enfants avec des jeux de rôle qui ont lieu plusieurs fois par an.
Afin que chaque personne puisse profiter des lieux, nous proposons toujours des tarifs accessibles. Les prix d'entrée sont identiques, qu'il s'agisse d'une entrée pour la visite ou pour l'événement que nous organisons.
Durant l'été 2024, un grand spectacle aura lieu dans les ruines, "Le procès de Jeanne d'Arc".
Oui, les Villersois aiment bien venir chez nous, aiment bien ce lieu, mais peut-être qu'ils ne le visitent pas encore assez ! Parfois, la proximité, c'est pas là qu'on vient le plus près pour visiter, et on va parfois trop loin. Il y a deux messes par an, notamment la Saint-Hubert lorsque les participants viennent avec leurs animaux pour la bénédiction. Il y a pas mal de monde. On accueille vraiment un peu tout le monde, c'est très gai d'avoir autant des jeunes que des personnes plus âgées ou des religions différentes.
A quelques dizaines de mètres de l'accueil des visiteurs de l'abbaye se trouve une microbrasserie. Des occasions existent pour pouvoir la visiter en compagnie des guides des lieux : la confrérie des Hostieux Moines de Villers. Présente depuis 1995, la confrérie veille sur la transmission des us et coutumes de Villers-la-Ville, mais aussi sur la transmission du patrimoine gastronomique et la production brassicole.
Jean-Marie Martin, Hostieux Moine, nous présente les activités de la confrérie ainsi que l'art de brasser à Villers.
D'abord, nous sommes hostieux. Je pense que dans la confrérie, ce mot a beaucoup d'importance dans le sens où il fait référence à l'accueil (hostieux tire son origine du vieux français, le mot a donné accueil, NDLR). Une confrérie, ça doit être confraternel, aussi bien entre nous qu'avec les autres confréries que nous rencontrons. Dans l'organisation cistercienne, les pères hostieux - ou les frères hostieux - étaient particulièrement chargés de l'accueil des pèlerins.
Il faut savoir que notre organisation est à l'image de celle des monastères cisterciens, non seulement au niveau vestimentaire, de la tenue, mais aussi par les titres que nous portons.
En général, l'entrée dans la confrérie se fait presque par cooptation, c'est à dire que ce sont des gens qui nous connaissent ou que nous connaissons et à qui nous proposons de nous rejoindre. Il y a aussi des gens qui nous découvrent par nos activités, par notre site Internet, ou notre page Facebook et qui, éventuellement, sont amenés à nous rejoindre, mais nous essayons aussi de garder un caractère confraternel.
Au départ, bien sûr, c'est notre bière. Puisque nous fabriquons, nous brassons notre bière ici, dans notre microbrasserie. Nous ne brassons pas de façon industrielle, mais nous essayons de faire du bon. Et puis nous mettons à l'honneur le bâton de Saint-Bernard, un saucisson pur porc fumé et affiné à la bière.
Avec les bénéfices tirés des ventes de la bière, nous soutenons des projets solidaires de proximité à travers notre ASBL Mains tendues. Nos projets soutiennent par exemple l'achat de matériel médical pour les soins palliatifs à domicile.
Nous organisons deux grands événements par an. La marche gourmande qui a eu lieu au mois de juin et la messe de la Saint-Bernard au mois d'août, un autre moment fort de notre confrérie.
On est à quelques mètres de la Thyle, la rivière historique de l'abbaye. L'une des bières que nous proposons a été recréée en fonction des proportions retrouvées dans les archives de l'abbaye ! Ces documents nous montrent les matières premières que les moines ont employées, c'est-à-dire un tiers de malte d'épeautre, et deux tiers de malte d'orges. Nous fabriquons cette bière avec ces mêmes proportions.
Nous avons des cultures de houblon à l'arrière de la microbrasserie. Il est récolté en septembre. Le houblon vous donnera deux éléments : l'amertume de la bière et le houblon aromatique, le parfum et les arômes de la bière.
C'est le lieu des randonneurs parce qu'effectivement nous ici, le syndicat d'initiative en propose 14. On bénéficie évidemment de la proximité, de l'abbaye, ce qui fait que généralement les gens combinent une promenade et puis une visite du site. Ça permet de faire un peu les deux. On a vu vraiment une explosion des promenades, surtout depuis la période de la crise Covid.
Nous travaillons en collaboration avec l'abbaye, surtout pour un de nos événements qu'est la fête de la Saint-Hubert qui a lieu en octobre, le troisième dimanche du mois. Cette fête est célébrée dans l'abbatiale.
Nos missions principales, c'est la promotion des sites touristiques à Villers-la-Ville et pas seulement. C'est aussi la promotion des promenades et de l'information par rapport à l'hôtellerie, la restauration, les chambres d'hôte.
Les alentours boisés et bucoliques sont propices aux promeneurs. Au départ de l'abbaye, il y a des parcours de 7km, 10 km et plus. Les paysages sont souvent différents, avec à chaque fois d'ailleurs une vue surplombant le site de l'abbaye et quelques vestiges aussi visibles plus loin. Il y en a pour tous les parcours et tous les rythmes de promenade.
Après cet aperçu qui vous aura permis de découvrir le patrimoine de Villers-la-Ville, promenez-vous sur place et allez visiter ce lieu qui ne vous laissera pas indifférents !
Voici quelques liens qui vous permettront de planifier votre visite et de passer un moment de détente au coeur de la province du Brabant wallon :
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