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Alfred Hitchcock et Bernard Herrmann, musique et suspense

Un article rédigé par Fabien Genest Natio - RCF,  - Modifié le 17 juillet 2023
Que seraient les films d'Alfred Hitchcock sans la musique? C'est à Bernard Herrmann (1911-1975) que l'on doit celles de "Psychose", "Les Oiseaux", "Sueurs froides"...
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Orson Welles, Joseph L. Mankiewicz, Robert Wise, Raoul Walsh, François Truffaut, Brian De Palma et Martin Scorsese, entre autres, ont eu le privilège de l’avoir pour un ou plusieurs de leurs films mais c’est évidemment avec le maître incontesté du polar et  de l’angoisse : Alfred Hitchock que Bernard Herrmann a gagné ses galons de maître de la musique de film.  

 

 

Il y a bientôt 60 ans, le 17 juillet 1959, sortait sur les écrans américains North by Northwest, que l’on connaît en France sous le titre de La Mort aux trousses. Bernard Herrmann signait la bande originale de ce grand film d’Alfred Hitchcock dans lequel Cary Grant se retrouve par erreur dans la peau d'un espion, pris en étau entre une mystérieuse organisation qui cherche à le supprimer et la police qui le poursuit. La Mort aux trousses et sa scène d'anthologie, d’un Cary Grant tentant en plein champ d’échapper à un avion qui essaie de le tuer. Trois minutes d’angoisse à l’état pur.
Bernard Herrmann (1911-1975) est un jeune homme de 28 ans lorsqu’il débarque à Hollywood. Dans la capitale mondiale du cinéma, il vient rejoindre un de ses amis, un certain Orson Welles. Deux ans plus tard, Citizen Kane fait un triomphe. De par sa construction éminemment incarnée, très visuelle, et la richesse des apports divers, la musique d’Herrmann va marquer durablement l’histoire de la musique de film. Ce sera pourtant la première et avant-dernière collaboration entre le New-Yorkais, d'ascendance russe, et Welles. Le compositeur ne lui pardonnera pas l’année suivante pour La Splendeur des Amberson de s’être incliné devant le remontage opéré par les studios.

 

 

La même année 1941, Bernard Herrmann signe la musique, très ambitieuse, de Tous les biens de la Terre (The Devil and Daniel Webster dans son titre d’origine), de William Dieterle pour laquelle il fait preuve d’une incroyable audace qui lui vaut de remporter un Oscar. En parallèle, il écrit des partitions pour la radio et compose des pièces de concerts.
Ce n’est qu’en 1955 qu’a lieu LA rencontre, décisive dans sa carrière, avec le maître du suspense.

 

 

La marque, déjà, de Bernard Herrmann et ce fameux accord, une septième majeure/mineure pour l'orchestration en 1955 de Mais qui a tué Harry ? (The Trouble with Harry dans son titre original), que l'on va retrouver dans presque tous les films d'Alfred Hitchcock.
Une partition pour vents et cordes (complétée par quatre cors et une harpe) qui reprend des thèmes, écrits trois ans auparavant, pour le programme Radio Crimes Classics.

 

 

Hitch, comme on surnommait Alfred Hitchcock, et Bernard Herrmann ont en commun la même vision sombre et tragique de l'existence. Deux forts caractères, aussi, qui pourtant se sont entendus à merveille pendant plus dune décennie, de 1955 à 1966, qu'a duré leur fructueuse collaboration. Hitchcock a ses habitudes. Ses techniciens. Ses acteurs fétiches comme Cary Grant, Ingrid Bergman, Grâce Kelly ou James Stewart qui partage en 1958 l'affiche de Sueurs froides, Vertigo en anglais, avec la ravissante Kim Novak. L'histoire d'un détective privé, souffrant d'une peur panique du vide. La musique de Bernard Herrmann, que nous venons d'entendre, ici le thème amoureux, s'inspire des compositeurs romantiques du XIXe siècle, notamment de Richard Wagner et de son Tristan et Iseult. Deux ans plus tard, Bernard Herrmann va signer sa partition la plus célèbre au cinéma: Psychose et ses cordes indissociables de l'esthétique du film et de son efficacité.

 

 

Pour Psychose, Bernard Herrmann joue de tous les effets possibles et s'accommode à merveille du manque de moyens de la production qui ne lui octroie qu'un orchestre à cordes. Mieux, il en fera son atout. À coups de  staccato, la sonorité saisissante des violons vient renforcer la dramaturgie de la scène d'anthologie du crime sous la douche. C’est Herrmann qui l’a imposé à Hitchcock qui n’en voulait pas. La scène fut mise en image par Saul Bass, génial  réalisateur de génériques et des premiers story-boards du cinéma.

 

 

Revenons en arrière, en 1956, et arrêtons-nous sur Le Faux Coupable (The Wrong Man). La musique de Bernard Herrmann se distingue par son incursion timide (en accord avec le sujet du film) dans le monde du jazz. Composée pour une petite formation, elle reste en retrait et le prélude, que nous venons d'entendre, est une des rares pièces gaie et enlevée du film.
En 1963, un nouveau chef d'œuvre du maître du suspense va déclencher l'hystérie. Les Oiseaux et ses scènes insoutenables d'une Tippie Hedren, attaquée par une nuée de corbeaux féroces hante les nuits de nombre d'enfants de l'époque...

 

 

Un extrait de la musique des Oiseaux, film adapté d'une nouvelle de Daphne du Maurier, ou quand l'irrationnel s'empare d'une petite partie ville balnéaire de Californie paisible. Et là encore, la musique d'ambiance inquiétante de Bernard Herrmann.

 

 

Un an après Les Oiseaux, Tippie Hedren endosse à nouveau le rôle principal dans Pas de printemps pour Marnie. Elle y partage l'affiche avec Sean Connery, qui depuis deux ans à lui enfilé le costume de l'agent 007 sous la caméra de Terence Young pour James Bond contre Dr No et Bons Baisers de Russie. Le film sonne la dernière collaboration entre le cinéaste anglais et le compositeur américain. Lassé par Hollywood, désormais, Bernard Herrmann regarde vers l'Europe et cède aux avances de François Truffaut pour lequel il compose, d'abord, Fahrenheit 451 (1966) puis La Mariée était en noir l’année suivante.
Et on se quitte avec The Storm clouds, extrait de The Man Who knew too much, ou si vous préférez L'Homme qui en savait trop, un film de 1956 d'Alfred Hitchcock qui laisse moins de place que d'ordinaire à la musique du compositeur à qui l'on doit toutefois cette cantate enrichie d'un orgue, de harpes et de cuivres qui porte incontestablement la patte de Bernard Herrmann.

 

 

La Minute Judy Garland
Cette semaine dans  La Minute Judy Garland, coup de projecteur sur une chanson qui est aussi le titre d’un film de Pierre Jolivet, sorti voilà vingt ans, au casting duquel on retrouvait Vincent Lindon dans le rôle d’un petit patron d’une menuiserie, escroqué par un François Berléand, courtier en assurances véreux. Au générique, Alain Bashung, disparu il y a dix ans, le 14 mars 2009, signait la bande originale devenue un classique de son répertoire…

 

 

Quelques conseils pour prolonger cette émission :

Parmi les nombreuses compilations, The Classic soundtrack collection, un coffret 4 CD, paru l'été dernier ou encore Vertigo et les musiques de films d'Alfred Hitchcock par le Royal Philarmonic Orchestra, un disque sorti en 2012. Enfin, une proposition lecture avec Hitchcock au travail, de Bill Krohn, très bon livre sur l'univers du maitre du suspense, édité par Les Cahiers du cinéma, il y a dix ans tout juste.
 
Play list des morceaux diffusés :
Wild ride, from North by Northwest (La Mort aux trousses), Bernard Herrmann
Citizen Kane (overture), Bernard Herrmann
Mais qui a tué Harry ? (The Trouble with Harry) suite, Bernard Herrmann
Extrait de Sueurs froides (Vertigo), Love theme, Bernard Herrmann
Psychose, Bernard Herrmann
Le Faux Coupable (The Wrong Man), Bernard Herrmann
Les Oiseaux (The Birds), Bernard Herrmann 
Pas de printemps pour Marnie, Bernard Herrmann
Ma Petite Entreprise, Alain Bashung
Cantata, The Storm Clouds, (L’Homme qui en savait trop), Bernard Herrmann

 

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