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Autorité, sens de la responsabilité et de la bienveillance sont selon lui les trois vertus pour diriger 111 hommes à bord d'un sous-marin pendant 70 jours. Pendant 20 ans, l'amiral François Dupont a commandé différents sous-marins de l'armée française, il a aussi participé à la conception puis au commandement du Triomphant, l'un des quatre SNLE français. Il a ensuite dirigé le Centre des hautes études militaires et chef du cabinet auprès du ministre de la Défense. Il vient de publier 'Commandant de sous-marin' (éd. Autrement), dans lequel il raconte la vie des sous-mariniers.
Comment vit-on, en tant que commandant d'un sous-marin nucléaire lanceur d'engins (SNLE), la responsabilité, si l'ordre en est donné, d'appuyer sur le bouton qui déclenchera une destruction nucléaire ? Croyant, catholique pratiquant, l'amiral François Dupont a été en capacité d'appuyer sur un bouton pour lancer l'arme atomique.
La dimension éthique des armes nucléaires est pour lui 'une vraie question'. 'Je crois que si on peut parler de mérite pour Hiroshima et Nagasaki, c'est que ça aura montré au monde entier que c'est insupportable.' L'horreur de la bombe est le principal argument des opposants à l'arme nucléaire. Mais comme le dit l'amiral : 'On ne sait pas aujourd'hui par quoi remplacer l'arme nucléaire.'
Il existe deux types de sous-marins nucléaires : le sous-marin nucléaire d'attaque (SNA) et le SNLE. Pour le premier 'c'est son fonctionnement qui est nucléaire il n'a pas d'arme nucléaire à bord', explique François Dupont. Le SNLE, lui, correspond à 'une mission très particulière, la dissuasion nucléaire' : il y a à son bord 16 missiles avec des bombes nucléaires.
'La notion de dissuasion est quelque chose qui existe depuis toujours, explique François Dupont, simplement elle a fait un bon très important avec la fin de la Seconde Guerre mondiale.' L'arme nucléaire est 'une arme paradoxale' qui sert surtout aujourd'hui à dissuader. Une situation complexe de l'ordre du 'pari pascalien', pour l'amiral, qui écrit : 'Je porte en moi l'intime conviction que nos 16 missiles... ne sortiront jamais lestés de leur bombe atomique... Aussi bien j'en conviens s'agit-il d'un pari pascalien.' Le constat de la situation géopolitique mondiale aujourd'hui pousse François Dupont à dire : 'On ne remplacera pas la dissuasion nucléaire, peut-être qu'un jour on trouvera quelque chose d'encore plus intelligent.'
Les sous-mariniers ont un lien très intime avec leur sous-marin, qu'ils appellent leur 'bateau'. Ils n'ont pas le droit révéler à combien de mètres ils s'enfoncent sous la surface de l'eau : parfois 300 mètres parfois plus... 'Un monde sous pression', où la vie dépend du sous-marin. 'C'est une personne, c'est une vraie personne, parce que nous allons partir ensemble en mer et il faudra que nous revenions ensemble en mer et c'est mon intelligence et celle de l'équipage qui va faire que sa force soit utilisée à bon escient.'
Les 111 membres d'équipage restent 70 jours à bord du sous-marin. Des hommes (depuis 2018 les femmes peuvent monter à bord des sous-marins) enfermés 'dans un tube métallique de 138 mètres de long et 12 mètres de diamètre', sans 'grand air' ni 'soleil' ni 'femmes', ni 'famille', ni 'copains', ni 'journaux' ou 'parties de foot', qui dorment 'entassés dans un mini dortoir' et ne dorment 'que par tranches de quatre à six heures'... c'est ainsi que François Dupont décrit les conditions de vie à bord dans son livre.
'Ce dont on ne les prive pas c'est d'une mission, c'est-à-dire d'un but, d'une raison d'être, d'une raison de vivre', explique François Dupont. 'On ne les prive pas aussi de la cohésion et de la bienveillance qui doit régner dans un tel équipage pour que tout se passe bien, et donc on y développe à la fois des relations humaines, du sens de la responsabilité, du sens de la mission qui sont quelque chose que peut-être on ne trouve suffisamment ailleurs.'
NOTE DE LA RÉDACTION - Cette émission a été enregistrée avant la déclaration du pape François ce dimanche 24 novembre au Mémorial de la paix, à Hiroshima (Japon).
'Je désire redire avec conviction que l’utilisation de l’énergie atomique à des fins militaires est aujourd’hui plus que jamais un crime, non seulement contre l’homme et sa dignité, mais aussi contre toute possibilité d’avenir dans notre maison commune. L’utilisation de l’énergie atomique à des fins militaires est immorale de même que la possession des armes atomiques, comme je l’avais déjà dit il y a deux ans. Nous aurons à en répondre. Les nouvelles générations se lèveront en juges de notre défaite si nous contentons de parler de paix sans le traduire concrètement dans les relations entre les peuples de la terre.'
(Cliquez ici pour lire l'intégralité de son discours)
Émission d'archive diffusée en novembre 2019
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