Avec le temps, l’image de la rue s’est transformée. Les médias évoquent de plus en plus les aspects négatifs de cet espace à la réputation ternie. Cela nourrit la méfiance que l’on peut avoir vis-à-vis de l’autre et bloque malheureusement la rencontre. Pourtant, la rue a longtemps été un espace de bienveillance et d’échange. De nombreux acteurs s’efforcent ainsi à redorer son blason et à lui rendre sa vie ainsi que son image d'antan.
La rue n’est pas que sale, bruyante et encombrée, “c’est l’endroit où on circule et fait des rencontres”, indique Loredana Lanciano, co-présidente de la Fédération des Arts de la Rue. Cette dernière souhaite faire de la rue un espace commun de joie, de vie et de médiation. Le domicile est devenu le lieu de vie principal, dans lequel on rentre avec hâte après une journée de travail. Cependant, c’est en passant du temps dehors, dans l’espace public, que l’on favorise la rencontre. “On s’est déshabitué à rencontrer l’autre, à l’inconnu”, déplore Loredana Lanciano, alors que, selon elle, “la rue n’est à personne, on peut y débattre, manifester et échanger”.
“J’ai chanté dans la rue et les gens étaient étonnés, la police est même venue demander si tout allait bien. Les gens sont d’abord surpris puis participent avec plaisir”, raconte Atanase Périfan, créateur de la Fête des voisins, avant d’ajouter “c’est un moment éphémère mais très beau”. Les spectacles d’art de rue ont toujours eu une place importante et pourtant, ces dernières années, ils ont été relayés au second plan et ont perdu de leur ampleur. Le coupable principal est d’ailleurs la crise sanitaire, qui a apporté avec elles maintes restrictions à la vie de la rue.
“Dans tous les villages et beaucoup de villes, il y a des spectacles d’art de rue, elle est un lieu vaste et large d’expression”, explique la co-présidente de la Fédération des Arts de la Rue, dont le rôle est de porter les revendications culturelles et artistiques des compagnies et des artistes de rue. Selon Loredana Lanciano, “la rue donne la possibilité de faire des choses qu’on ne peut pas faire au théâtre, c’est le lieu d’expression de tous les arts”. Les spectacles de rue irriguent ainsi tous les territoires, petits comme grands. Pour les artistes, la proximité est importante : “beaucoup de compagnies et d’artistes jouent dans l’espace communautaire parce que la proximité leur enlève le stress de l’espace fermé et leur permet d’être au même niveau que le public”, estime Loredana Lanciano.
Entre la ville et la campagne, les relations entre voisins semblent bien différentes, voire opposées. “En milieu urbain, beaucoup s’ignorent ou se comportent comme des inconnus dans la rue”, indique Atanase Périfan. Cette réalité peut surprendre, notamment au vu de la différence de densité entre la ville et la campagne, mais la perception de la rue a évolué. “Quand on était enfant, on y passait beaucoup de temps, on jouait tous ensemble. Aujourd’hui la ville s’est aseptisée, la rue n’est qu’un lieu de passage”, estime le créateur de la Fête des voisins.
“La rue est devenue un espace neutre”, selon Atanase Périfan qui a lancé la Fête des voisins en France en 2003, avant qu'elle ne se répande ailleurs dans le monde. “La Fête des voisins se fait dans la rue car on est tous à égalité. Il faut des prétextes pour se rencontrer et se parler”, explique-t-il. Cet évènement commence généralement fin mai ou début juin, et lance en quelques sortes la période estivale, avec ses moments de partage et de convivialité.
“Se produire dans la rue reste encadré par la loi, surtout depuis 2015 avec les attentats puis le covid”, raconte Loredana Lanciano. En effet, les spectacles de rue ne peuvent se faire qu’après avoir obtenu les autorisations administratives nécessaires. “Les contraintes légales rendent plus difficile l’expression des arts dans l’espace public” déclare la co-présidente de la Fédération des Arts de la Rue. La fédération est là pour aider les compagnies et artistes qui veulent s'exprimer, elle propose des fiches juridiques et des rencontres pour aider ceux qui veulent surmonter ces difficultés.
“Entrer en relation est vital. Après deux années de covid la rue était vide, elle a perdu un peu de son âme”, selon Atanase Périfan. Pour ce dernier, “entre les voitures, les piétons, les trottinettes et les vélos, le seuil de tolérance de chacun a baissé”. Il est donc difficile de partager la rue et se réapproprier l’espace communautaire. “La partager en respectant l’autre c’est important”, rappelle le créateur de la Fête des voisins. La rue est certes un lieu de circulation mais plein de belles choses peuvent s’y passer, “il faut changer l’usage classique de celle-ci pour en faire un lieu de partage et trouver des manières de se retrouver”.
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