Palme d’or pour « Dheepan » en 2015, Jacque Audiard revient à Cannes en compétition avec « Emilia Perez », une descente dans le monde des narco-trafiquants au Mexique. Et le moins que l’on puisse écrire, c’est qu’il ose prendre des risques signant un thriller musical et queer… que la presse française voit déjà Palme d’or !
On attendait pas du tout le réalisateur d’« Un Prophète » sur le terrain de la comédie musicale et du mélodrame queer. Et pourtant, c’est bien dans ces registres qu’Audiard a réalisé cet « Emila Perez ».
Le scénario ? Une avocate mexicaine, second couteau au sein du cabinet où elle travaille, rejoint le boss d’un cartel de la drogue qui se fait passer pour mort afin de devenir femme. Quatre ans après son opération, Manitas devenu(e) Emilia renoue avec ses deux jeunes enfants et leur mère sous l’identité d’une tante ayant hérité de la fortune du défunt. En outre, le baron de la drogue qu’il était est devenu directrice d’une ONG au service des familles de victimes du narcotrafic. Enorme ? Oui, et ce n’est pas tout. Mais, selon la formule consacrée, la suite à l’écran…
Derrière un tel scénario improbable, Audiard surfe sur des thèmes à la mode : MeToo, la place des femmes dans un monde d’hommes, les violences conjugales, les questions d’identité sexuelle ou encore les nouvelles parentalités. Le tout dans le contexte exotique et inattendu d’un trafic ultra violant de la drogue au Mexique.
Et parce qu’il cherche à se renouveler depuis quelques films, il opte pour une forme inattendue : la comédie musicale. De ce point de vue, il a pu compter sur des compositions inspirées du folklore mexicain, basées sur les rythmes et interprétées en espagnol.
Dans le rôle principal d’Emilia Perez, Karla Sofia Gascon, ex acteur espagnol de soaps ultra populaires et qui a changé de sexe il y a six ans, est assurément la révélation du film qu’elle porte avec une présence étonnante.
Avare en commentaires lors de la traditionnelle conférence de presse, Audiard n’a pas dit grand-chose : il a juste expliqué que « c’est dans un roman qu’il a trouvé le personnage d’Emilia Perez et que ce personnage l’a immédiatement séduit ». Mais aussi que « la musique et la littérature mexicaines m’ont appris que les Mexicains ressentaient souvent les choses de manière schizophrénique ».
Avant d’ajouter que le pouvoir des narcotrafiquants l’interpelle parce que, dit-il, « j’y vois la chute de la démocratie et que c’est abominable. Alors, la comédie musicale permet d’adoucir ce sentiment ».
Et c’est vrai que la violence et le milieu interlope dans lequel l’action se déroule, ainsi que le drame intérieur vécu par le personnage d’Emilia Perez sont quelque peu adoucis par la musique, les chansons et les paroles.
Mais c’est surtout la mise en scène presque chorégraphiée d’Audiard qui impressionne avec un montage extrêmement serré et rythmé. De là à déjà attribuer la Palme d’or à ce nouvel opus de Jacques Audiard, c’est peut-être aller un peu vite en besogne. Un prix de la mise en scène, par contre, pourquoi pas.
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