Stephane Terlinden est céramiste à Beauvechain. Il façonne et colore ses œuvres en trouvant son inspiration dans l’architecture, la bible ou des questions existentielles. De l’arche de Noé à la tentation de Jésus, en passant par des villes belges et d’ailleurs, il entraine le spectateur au voyage, à la réflexion, la méditation. Il nous partage son travail quotidien et nous présente quelques œuvres. Au micro d’Elisabeth Dehorter.
Je suis avant tout le cadet d'une famille de sept enfants. Je m'approche de la soixantaine, donc l'âge de mes frères, je ne vous le dirai pas. À la base, j'ai suivi des études de philo et lettres. Donc un master en histoire, un master en philosophie, avec toujours en arrière-plan le dessin de devenir artiste. Mais je ne savais pas très bien par quelle voie. Et là, j'avais tort parce qu'à 50 mètres de chez moi habitait mon oncle Max.
Max est le frère de ma mère, ce qui fait que la similitude des patronymes est tout à fait du au hasard. Un jour, je crois que je venais d'obtenir mon dernier diplôme, je me suis retrouvé les mains en poche en attendant que le mois de juillet ou passe. J'ai dû m'occuper et mon oncle m'a dit « mais viens m'aider, je suis débordé de commandes, j'ai besoin d'un apprenti ». Et voilà, c'était mon premier job de vacances et c'est aussi mon dernier, parce que depuis 25 ans je n'ai jamais arrêté.
Ce sont toutes les étapes de l'apprentissage, et puis du compagnonnage et de la maîtrise. Enfin, je ne sais pas si je serai jamais maître, mais c'est un petit peu à l'ancienne. Je crois que mes premiers travaux consistez à appliquer les couleurs. La terre cuite doit être émaillée. Ça ne s'applique pas comme de la peinture en brossant, mais en déposant. C'est une technique assez laborieuse, assez âpre.
L'apprentissage est assez long et tout ça pour un résultat qui ne se voit pas tellement. C'était vraiment la première fois que vous mettiez la main à la patte ou bien vous aviez déjà eu un petit peu d'expérience avec lui? Aucune expérience. S'il se nait venir chipoter dans son atelier quand j'étais petit, nos chemins étaient tout à fait parallèles sans se rencontrer. Par contre, j'aimais beaucoup dessiner. Depuis l'école, dans les marges des bouquins et des cahiers, ça, c'était mon job principal.
Et donc ce compagnonnage a duré sept ans. Et donc quand il est décédé, vous avez eu un peu cette question. Est-ce que je continue ou pas, c'est ça? C'était un moment assez étrange. Comme il est décédé inopinément, le jour même, il travaillait encore. J'ai dû du jour au lendemain reprendre des travaux à mi-chemin. Si je ne les reprenais pas ils séchaient, ils étaient fichus, ils étaient bons pour la casse. C'est assez émouvant et ça m'a permis de passer le cap très, comment dire, sans encombre. Je me souviens très bien le sujet qu'il était occupé à réaliser, représenter une petite fille en prière devant une petite chapelle. Cette petite fille, je l'ai dû la saisir au vol et la continuer. Cette petite fille actuellement est dans la basilique de Bon Secours, chaque fois que j'y repasse, j'ai un petit moment d'émotion, de voir cette espèce de sujet de la transition. Et ensuite, ça s'est articulé tout à fait automatiquement. Bien sûr que ça doit être émouvant de revoir cette petite fille.
Avant tout l'humilité, travailler comme apprenti c'est une école de modestie, étant donné que vous profitez de la renommée de quelqu'un, vous emboîtez le pas à sa technique, vous ne faites quasiment rien de personnel, ça m'arrivait parfois en cachette mais vraiment très discrètement, ce qui fait que vous n'existez pas, vous êtes un instrument de plus.
Le jeu est profitable aussi puisque petit à petit, vous vous atterrissez dans la discipline et finalement, vous acquerrez une certaine autonomie. Ce qui fait que son décès ne m'a pas laissé tout à fait au dépourvu, étant donné que j'étais capable plus ou moins de maîtriser tout le processus. Vous avez parlé de sa technique. Est-ce qu'il avait une technique propre à lui? C'est une technique très ancienne. Je crois que la céramique est aussi vieille que l'invention du feu.
Par contre, il suivait une technique inventée en Italie, probablement à la fin du Moyen-Age. On connaît beaucoup la dynastie des Della Robbia, qui a exercé du côté de Florence. C'est plus ou moins la même technique. Donc de la terre cuite, vernissée. Vernissée, c'est-à-dire couverte des mots en couleur et recuite. Alors justement, ça peut faire la transition sur ce qu'on peut aborder à présent. Donc là, nous sommes dans votre atelier.
Décrivez-nous quelles sont les différentes étapes pour faire une céramie, il y en a beaucoup, ça prend du temps. Expliquez-nous, nous qui sommes pour la plupart un peu ignorants de ce domaine. La première étape, c'est évidemment la conception. Tout à coup, vous avez une idée, soit qu'elle vienne de vous, soit qu'elle émane d'une commande et qu'on vous la suggère. Il faut évidemment mettre cette idée en forme dans sa tête avant de la concrétiser.
première phase manuelle donc c'est le modelage du prototype. Par exemple, je dois représenter la sainte famille, je représente un père, une mère, un fils, j'essaie de leur donner un peu d'expression qui est un lien entre les personnages, que ce soit aussi un sujet sacré, que ce ne soit pas n'importe quoi. Et voilà, c'est parfois très laborieux, parfois ça vient tout de suite. Une fois que le prototype est terminé.
Oui. C'est tellement évident pour moi que je l'oublie. Oui, c'est de l'argile, c'est de la terre glaise qu'on donne aux écoliers pour occuper leurs mains et parfaire leur motricité. Voilà, sur ce prototype en argile, je coule du plâtre. Le plâtre durcit en trois quarts d'heure, ça devient un moule très solide. La forme en creux du prototype. Le prototype est perdu, mais le moule ne l'est pas.
Le moule me permet de reproduire la pièce autant que possible. Évidemment, il y a des retouches. Vous pouvez parfaitement sortir plusieurs seins de famille, mais chacun avec une expression différente ou bien des petits détails qui changent de l'une à l'autre. Voilà, fin de la deuxième étape. Je laisse sécher. Je passe au four. Ça donne le biscuit. C'est paradoxal. Ça n'a cuit qu'une fois, mais ça s'appelle le biscuit. Et là, c'est une température très haute.
J'arrive à 1200 degrés, si je travaille avec du gré ce serait encore beaucoup plus. Ensuite je passe à l'émaillage donc mon biscuit est prêt, je dépose les couleurs comme dont je parlais tout à l'heure, je recuis à 1050 degrés et ça donne la céramique plus ou moins aboutie. Je crois que par céramique on désigne tout ce qui est en terre cuite émaillée ou vernissée, c'est quasi synonyme.
Donc vous avez besoin de différents matériaux, est-ce que c'est facile d'en acheter et d'en avoir? À la terre c'est incroyable, vous n'avez qu'à vous baisser, vous en ramassez, mais évidemment toute terre ne vaut pas pour faire de bonnes céramiques, je l'achète évidemment conditionnée, mais c'est un produit assez abordable. Les émaux, là c'est plus difficile, ce sont des produits chimiques, certains dangereux, certains non, ce sont des couleurs qui évoluent avec le marché.
il faut faire ses propres mélanges ou bien il faut suivre ce que propose le marché. C'est un petit côté expérimental. Et c'est un sport amusant, mais il m'arrive aussi de ne pas utiliser des mots, mais de peindre la céramique. On peint bien des toiles, pourquoi pas de la terre. Et ça donne parfois des effets un peu plus nuancés ou bien plus précis.
En général, les émaux sont brillants. Vous en avez des mates et des satinés, mais la plupart sont assez brillants. Ça donne un bel éclat et c'est éternel. Vous revenez dans 6000 ans, si personne n'est passé par là pour la casser, elle sera toujours là, elle vous attendra. Et ça peut prendre combien de temps, alors, si on prend, par exemple, la sainte famille, combien de temps ça prend entre les étapes de cuisson, de séchage? Allez, au minimum 15 jours.
Quand vous êtes un artisan, vous êtes comme un chef de gare. Il y a des trains urgents qui parfois doivent céder le pas à des petits trains encore plus urgents. Vous devez parfois abandonner une tâche pour répondre à une demande plus pressante. Vous devez parfois un peu forcer le séchage, la cuisson. Mais grosso modo, ça dure de deux semaines à plusieurs mois. Vous avez plusieurs oeuvres sur le tapis. Exactement. Oui, oui.
Nous avons plusieurs axes, parfois des particuliers me demandent quelque chose qui entre en relation avec leur vie familiale, soit une vue de leur propriété ou de leur maison, soit un événement de leur histoire familiale, soit des saints en rapport avec les patrons de leur famille, ça c'est le volet plus chrétien. Il y a également des commandes de collège.
Par exemple, mettre en musique leur projet pédagogique, ce n'est pas toujours facile de passer d'idées abstraites à des images, mais c'est un défi intéressant à relever. Et donc par exemple, comment, qu'est-ce que vous avez? On m'a demandé il y a quelques années de travailler pour le collège de l'Assomption. L'Assomption à Bruxelles, qui est un collège qui a un beau passé religieux, ça a été fondé par les sœurs de l'Assomption.
Il fallait essayer d'inscrire ça dans la continuité de la Fondation et orienter vers l'avenir. Je ne me souviens plus exactement des axes de leur projet pédagogique, mais c'était très ouvert sur le monde et très enraciné dans le passé. C'est ça qu'il faut essayer d'exprimer simultanément.
de temps en temps ça fait du bien parce que c'est un job qui demande beaucoup de sacrifices en termes de temps et j'en passe il y a beaucoup d'insatisfaction mais alors quand une joie née de cette litière un petit peu un petit peu plate c'est vraiment magique il y a des moments où comment dire
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ou quelque chose vous dépasse, vous avez l'impression que quelque chose d'autre s'exprime à travers vous. J'ai dit ça sans aucune prétention, c'est pas ça qui donne la chapelle Sixteen, mais à ma petite échelle, de temps en temps je me dis « ah ça, ça vaut la peine ».
Il n'y a rien de plus individuel qu'un artiste. Ça a déjà tellement peu de temps pour reproduire ce qui lui passe par la tête que ce serait vraiment la meilleure des choses, serait souhaitable, mais je crois que chacun est dans sa bulle. Et
Principalement l'architecture. Ça j'adore surtout j'essaie de donner de la profondeur aux architectures que je représente donc un maximum de profondeur pour un minimum d'épaisseur matérielle. Évidemment quand je produis une architecture j'aime bien l'animer c'est -à -dire y mettre des personnages ou des scènes et alors là ça emboîte vers les scènes religieuses parce que comme je disais il n'y a pas plus fait con que l'histoire religieuse.
Vous évoquiez que c'est parfois difficile. Qu'est-ce qui est difficile? On peut peut-être supposer parfois qu'il n'y a pas de commande, je ne sais pas. Je ne sais pas si on doit ça à la providence ou bien au goût du public, mais je n'ai jamais manqué de travail. Parfois, j'en ai même trop, ce qui m'empêche de créer du neuf. Il y a une espèce de repos de l'esprit qui, parfois, pourrait être un peu malsain, mais il ne tient qu'à moi d'un peu secouer tout ça et de me remettre à l'ouvrage.
Des architectures très sophistiquées, parfois impossible à réaliser, style des tours de Babel, enfin des trucs qui défient tout à fait les lois de la résistance des matériaux. Et j'essaie de leur donner une certaine cohérence, que ça ait l'air de tenir debout, même si c'est impossible. Et qu'est-ce que vous rêveriez de réaliser, que vous n'avez pas encore fait, mais vous vous dites un jour, j'aimerais bien prendre le temps de le faire?
Peut-être l'apocalypse, il faudrait trouver un mécène qui soit amoureux de l'apocalypse, mais à mon avis ça ne doit pas courir les rues. Mais je crois que là il y a une belle matière à méditation et à création.
Alors les auditeurs auront, j'espère, envie de découvrir vos œuvres. A quelles occasions ils peuvent les découvrir?
Alors les moins mobiles d'entre eux peuvent aller sur mon site internet. Il suffit de taper mon prénom et mon nom, et en général on arrive assez facilement à ma galerie internet. Ensuite, mon exposition est ouverte seulement sur rendez-vous seulement, parce que je n'y habite pas.
Et enfin, tous les week-ends du mois de novembre dans le cadre des fêtes de la Saint-Martin, qui sont un vénérable parcours d'artistes qui existe depuis un bon demi-siècle. Et en faisant un petit détour par les fêtes de la Saint-Martin, mais elles sont nées ici, j'ai lu sur votre site. Oui, elles sont, leur origine remonte à la Deuxième Guerre mondiale à l'époque, où une bande de jeunes qui étaient un peu confinés ici dans le Brabant-Wallon, s'amusait en créant des chorales, des spectacles etc. Après-guerre ils se sont trouvés un peu les bras ballants enfin heureusement on va pas reprocher à la guerre d'avoir pris fin ils ont évidemment voulu continuer ça et petit à petit ça s'est aggloméré c'est devenu quasiment un festival avec probablement le premier parcours d'artistes en Belgique des spectacles des expositions tout genre non c'est assez fabuleux et ça de Réna Montefou est passionné
Et il y a d'autres ici, donc il y a votre exposition, et lors des fêtes de Saint-Martin, il y a autre chose?
Oui, oui, un très long parcours d'artistes qui comprend plus de 100 lieux d'exposition qu'on multiplie par deux ou trois, parce que ça accueille souvent plusieurs artistes, et ça couvre quatre villages dans la commune, et même en dehors.
Alors ça c'est pour dans quelques mois en novembre qu'on multiplie par deux ou trois, parce que ça accueille souvent plusieurs artistes et ça couvre quatre villages dans la commune et même en dehors. Alors ça c'est pour dans quelques mois en novembre.
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