Pendant longtemps le souvenir sanguinaire des guerres qui ont opposé les "Bleus", les républicains, aux "Blancs" a été largement occulté. Pourtant, il y a plus de 200 ans, c'est une véritable guerre civile qu'a connue l'Ouest de la France. Dans l'intérêt national et pour ne pas salir l'image de la République dans le monde, il ne fallait pas en parler. "Un effacement du passé n'est jamais une bonne chose, observe Anne Bernet, car un jour où l'autre tout rejaillit."
La chouannerie, qu'il ne faut pas confondre avec les guerres de Vendée même si les deux événements se croisent, c'est ce vaste mouvement d'insurrection né en 1791, qui a duré une douzaine d'années dans plusieurs départements de l'Ouest de la France. Auteure de "Histoire générale de la chouannerie" (éd. Perrin) Anne Bernet décrit trois chouanneries, celle du Maine, de Bretagne et de Normandie.
Elle explique toute la complexité qu'il faut prendre en compte si l'on veut étudier cette période, et notamment l'importance du marquis Armand Tuffin de La Rouërie (1751-1793), ancien officier de l'indépendance américaine, "qui est un homme éclairé et qui va cependant prendre fait et cause pour la monarchie et le catholicisme au nom des libertés de Bretagne".
Au cours de la fameuse nuit du 4 août 1789, où les députés ont voté l'abolition des privilèges féodaux, ils ont "bradé les droits de Bretagne" qui en faisaient "une région totalement autonome". ("D'un point de vue juridique c'est assez drôle, remarque Anne Bernet, car l'affaire n'a jamais été réglée, donc de fait le Bretagne est toujorus autonome!") Cela a été "un choc" pour les Bretons, mais il y a d'autres causes à l'origine du soulèvement.
La question religieuse, par exemple, est d'une importance fondamentale. La Constitution civile du clergé votée par l'Assemblée constituante le 12 juillet 1790, obligeaient les prêtres à prêter serment et "à se fonctionnariser". Cette constitutions a été "considérée comme schismatique" et a provoqué des réactions de refus dans plusieurs diocèses, pas seulement dans l'Ouest. "Une fois entré dans une phase de répression vis-à-vis du clergé on passe très vite à la persécution et de là à une spirale infernale qui aboutira à la guerre civile." Parmi les autres raisons du soulèvement de l'Ouest, notons dès 1791, le refus de la conscription.
Il y a "un sentiment de liberté propre à cette vieille terre celte et qui implique de ne jamais baisser la tête devant personne qu'il s'agisse de Louis XIV ou de Robespierre", explique Anne Bernet. Qui rappelle un aspect important : "Ces terres n'ont jamais connu le servage, il n'y a jamais eu de fracture entre une noblesse terrrienne extrêmement pauvre et une paysannerie parfois beaucoup plus riche qu'elle." L'historienne décrit "une solidarité" entre les classes sociales qui a "favorisé l'insurrection pour la défense des libertés bretonnes".
Ce que Danièle Sallenave pointe du doigt, c'est, à partir de la Restauration, une réécriture de l'histoire. Sans nier l'horreur et l'ampleur des massacres, elle rappelle que par la suite, on a réinterprété la guerre de Vendée, au profit d'une vision diabolique de la Révolution.
En lisant son livre "L'églantine et le muguet" (éd. Gallimard), un récit de voyage dans sa région natale - "l’Ouest conservateur et clérical de l’Anjou" - on comprend que Danièle Sallenave est une femme de lettres athée, française, républicaine, de gauche, anticléricale et anti-communiste (Elle précise : "Je déplore et rejette la forme qu'a prise utopie communiste au XXè siècle...") Elle l'appelle "le triangle fatal", cette région qui va du Pays des Mauges, près de Cholet, jusqu'au Segréen vers le nord, et Trélazé plus à l'ouest, qui est "un foyer d'anarcho-syndicalisme".
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