En quelques années Delphine de Vigan est devenue l'écrivaine préférée des Français. Ses livres nous parlent de la fragilité - elle raconte la maladie de sa mère, bipolaire, dans "Rien ne s'oppose à la nuit" (éd. JC Lattès, 2011), l'anorexie qu'elle a traversée dans "Jours sans faim" (éd. Grasset, 2001) ou encore les difficultés vécues par les adolescents dans "No et moi" (éd. JC Lattès, 2010). La fragilité, mais aussi la force et la solidarité, la gratitude aussi - "Les gratitudes" est d'ailleurs le titre de son tout dernier roman.
Delphine de Vigan appartient à une famille pour le moins atypique, qu'elle raconte de façon romancée dans "Rien ne s'oppose à la nuit", le roman qui l'a rendue célèbre. Une famille qui a nourri son imaginaire : "J'ai beaucoup entendu quand j'étais petite fille : 'il faudrait écrire sur cette famille' : effectivement ma famille du côté maternel fascinait énormément les gens." Une famille "qui était très fantasque", dans laquelle "circulait déjà beaucoup de romanesque". Delphine de Vigan se souvient de grands-parents qui partageaient "le goût du récit".
Toutefois ce n'est pas "la vérité" mais "[sa] vérité" qu'elle raconte dans un ouvrage dont l'écriture aura été "une épreuve terrible". Elle la compare à ce moment que "chacun a pu éprouver quand quelqu'un meurt et qu'il faut vider un appartement".
Aujourd'hui membre du comité de soutien de l'association Clubhouse France, Delphine de Vigan œuvre pour que l'on change de regard sur les malades psychiques. "La santé mentale est un sujet majeur en France" dit-elle, et "le plus difficile c'est la stigmatisation", quand en plus d'être malade on est rejeté, c'est "la double peine". Or, parce que ce mal, on ne le voit pas, "on a du mal à considérer que la personne ne fait pas exprès".
Dans "Jours sans faim", Delphine de Vigan (sous le nom de Lou Delvig) raconte le combat de Laure, 19 ans, contre l'anorexie. Un récit très largement inspiré de sa propre expérience, puisque vers 17 ans, l'écrivaine a été hospitalisée. Elle se souvient de sa "très grande difficulté à entrer dans l'âge adulte" et de son "très gros problème d'hypersensibilité". "Je ne savais pas quoi faire de cette perméabilité extrême au monde qui se doublait paradoxalement d'un très grand appétit de vivre."
Si aujourd'hui elle sait mettre des mots sur ce qu'a été sa souffrance et son enfance - "L'enfance qui été la mienne, mon histoire de vie, les parents qui ont été les miens, ont fait de moi une enfant extrêmement perméable à l'humeur de l'autre" - sans doute est-ce lié à ce goût de l'écriture si bien partagé dans sa famille. "J'ai toujours eu, notamment à partir de l'âge de 12 un rapport très privilégié, très fort avec l'écriture."
12 ans, c'est l'âge auquel Delphine de Vigan a commencé son journal intime. "J'ai longtemps écrit pour moi-même", confie-t-elle, envisageant l'écriture intime comme "une planche de salut" et "un outil de construction", de "connaissance de soi" et "du monde". "J'éprouvais très fortement le besoin d'élucider, de nommer, ce qui se passait autour de moi." Cette écriture intime, elle la considère aujourd'hui presque comme un passage obligé pour passer à l'écriture romanesque. "L'écriture romanesque ne peut advenir que quand une partie du travail a été fait dans l'intimité de cette écriture qui n'est pas du tout destinée à être lue."
Puis, à 29 ans, alors qu'elle a abandonné son journal intime, l'idée lui vient "d'écrire un texte romanesque et de l'envoyer à des éditeurs". Et cependant, elle insiste : l'écriture romanesque telle qu'elle l'envisage n'a rien à voir avec un travail thérapeutique : "l'écriture du journal intime oui mais pas l'écriture romanesque, elle est même assez dangereuse de ce point de vue-là". L'écrivain a beau rechercher la vérité, "la mémoire et l'écriture sont des fabriques de fiction".
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