"On m'a toujours dit que j'avais un caractère têtu", confie Élise Boghossian. Et c'est vrai qu'à l'entendre raconter son histoire, on croit volontiers que rien ne l'arrête. Elle a 30 ans, trois enfants et un cabinet d'acupuncture à Paris quand, en 2011, elle décide de partir en Jordanie et au nord de l'Irak. L'acupunctrice entend alors mettre ses compétences au service des blessés et des réfugiés syriens et irakiens perséctués par l'Etat islamique. Aujourd'hui, les deux dispensaires mobiles de son association Shennong & Avicenne tournent en permanence dans le nord de l'Irak.
En 2011, elle écrit: "Tout me comble à Paris. Ma famille, ma vie professionnelle, mes amis, et pourtant quelque chose manque pour donner du relief à tout ça. Un engagement, un travail à accomplir sur un terrain où il n'y aurait rien, où je serais forcément utile. J'ai envie d'être plus près des soubresauts du monde où s'écrit l'histoire. Et sans prétention voir comment je peux à ma mesure diminier la souffrance de ceux qui en sont les victimes."
Se sentir concernée par les souffrances de l'autre: quand on est soi-même issue d'une diaspora cela fait sens. "J'accepte difficilement qu'on puisse être passif devant son destin." Rien n'obligeait cette jeune maman à venir en aide aux victimes de la guerre en Irak et en Syrie. Mais pour cette jeune femme qui se dit fière d'avoir hérité des deux cultures, française et arménienne, "ce qui se passe de l'autre côté ça aurait pu être vous, et la chance que vous avez d'être là c'est une chose mais ce n'est pas une raison pour fermer la porte en disant ce n'est plus ma vie." Enfant, Elise Boghossian était encouragée par ses parents à se tourner vers la culture française quand, d'un autre côté, sa grand-mère lui parlait de ses ancêtres, dont certains ont été victimes du génocide arménien de 1915.
Sortir des sentiers battus et créer des synergies, c'est ce qu'Elise Boghossian a finalement toujours fait. La thérapeute a été formée à la médecine en Chine, à l'acupuncture au Viet Nam et aux neurosciences en France. Pour elle, "on a tous à gagner à combiner les deux médecines - chinoise, occidentale." Si elle salue les formidables prouesses de la médecine occidentale "très performante et qui a su expliquer et découper tout le corps humain en catégories pour descendre de plus en plus vers l'infiniment petit", Elise Boghossian souligne que cette médecine peine à soigner les maladies de notre société industrialisée - liées au stress, à l'environnement, aux émotions...