"Nous sommes de plus en plus dans un cadre qui est celui des technologies." Et si l'on se demande si l'on peut ou non y échapper n'a pas de réponse possible. Dans ce contexte, comment quitter la scène ? Comment reprendre souffle, sortir du champ, échapper à la cohue, retrouver la paix, essayer de penser ? Comment être à soi ? Un désir souvent exprimé, une solution rarement envisagée. Avec son livre "Solitude volontaire" (éd. Albin Michel, 2017), Olivier Remaud nous aide à penser un isolement bénéfique au XXIe siècle.
"Attention disent les médecins, la solitude est positive quand elle ne dure pas trop longtemps et qu'on y exporte pas ses propres souffrances." Il y a la solitude qui s'impose, celle de la fin de vie, de la séparation mal vécue, de la pauvreté. En France, cela concerne six millions de personnes.
D'emblée Olivier Remaud explique que la solitude à laquelle il s'intéresse dans son ouvrage est "objet de volonté". Ce désir que l'on peut tous avoir à un moment de notre vie de faire "un pas de côté" selon l'expression qu'il privilégie. Avec l'idée plus ou moins sous-jacente de faire un bilan sur soi, les autres, le monde. C'est cet isolement-là que le philosophe observe comme salutaire et pourtant difficile à mettre en place. Il y a "un équilibre à trouver". Quelque chose à penser aussi : "Le couple solitude et société qui tirait la solitude du côté d'une ascèse est de moins en moins d'actualité... Nous sommes de plus en plus connectés et déconnectés."
Celui qui a longtemps incarné l'image de l'intellectuel ermite, le philosophe américain Henry David Thoreau (1817-1862), connaît un regain d'intérêt aujourd'hui en France. Notamment parce qu'il a fortement influencé l'ouvrage de Jon Krakauer, "Voyage au bout de la solitude" (1996) dont Sean Penn a tiré le film "Into the Wild" en 2007. Thoreau, c'est l'auteur en 1922 de "Walden ou La vie dans les bois" (éd. Gallimard), où il raconte l'expérience qu'il a faite à partir de juillet 1845 de s'isoler à quelques miles de son village de Concord, Massachusetts. En fait d'isolement il s'est agi essentiellement d'allers et retours entre sa cabane près d'un étang et le cercle de ses amis et de son village. Entre la solitude et la société.
"Ce que Thoreau veut nous dire c'est que chacun peut gagner à faire ce pas de côté, qui permet de bénéficier des avantages fournis par une solitude toute relative qui se déploie dans le cadre de la nature." Il faut d'ailleurs lire "Walden ou La vie dans les bois" pour ses "pages magnifiques" sur "les oiseaux, la pousse de ses légumes, les bruits de la forêt". Et aussi, la solitude volontaire qui se conçoit comme une parenthèse permet à celui qui la vit de porter un autre regard sur le monde. De mieux comprendre les enjeux sociétaux. C'est l'expérience que fait également Thoreau vis-à-vis de l'esclavage.
Ce que beaucoup de gens recherchent en réalité, c'est "le bon dosage entre retraite et société", observe le philosophe. Et l'exemple que David Thoreau est celui du tiraillement entre deux polarités que sont la solitude nécessaire et l'indispensable société. Une manière de désigner selon Olivier Remaud "une certaine condition humaine". Se trouver à l'écart pour mieux être à soi-même et ne jamais se couper entièrement du monde "tout simplement parce que le monde est une chose intéressante !"
À la lueur des "Essais" de Montaigne, le philosophe soulève la question des amis choisis. "Il n'y a pas plus intéressant, intellectuellement et spirituellement, et aussi du point de vue de la grande respiration du corps, de l'esprit et de l'âme, que d'être à part, seul, avec quelques uns."
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