Retour sur l'exposition du Musée du Luxembourg, à Paris, consacrée à une photographe américaine, Vivian Maier. Vivian Maier était une photographe de très grand talent. Mais, de son vivant, personne n’en a rien su.
En 2007, un jeune Américain, John Maloof, est à la recherche de photos anciennes de Chicago. Dans une salle de ventes, pour une bouchée de pain, il acquiert un lot surprenant :
- environ 30 000 négatifs,
- des dizaines de pellicules non développées
- et quelques tirages des années 1950.
John Maloof découvre alors des photos magnifiques, de véritables œuvres d’art. Il se met aussitôt à la recherche des autres lots proposés à la même vente et se retrouve en possession de 100 000 photos dont il ne connaît pas l’auteur. En 2009, explorant les cartons, il trouve un nom sur une pochette de labo photo : Vivian Maier. Et il le tape sur Google.
Il apprend par un avis de décès que Vivian Maier est décédée quelques jours plus tôt à l’âge de 83 ans et que cette femme a exercé toute sa vie le métier de nounou, à New York puis à Chicago. Célibataire, elle consacrait son temps libre à prendre des photos dont elle ne tirait sur papier qu’une toute petite partie.
Mais elle conservait tous les négatifs, des pellicules non développées et des masses de coupures de presse. À la fin de sa vie, cela s’entassait dans un garde-meubles dont elle ne parvenait plus à payer les factures. D’où la vente aux enchères.
Pour la plupart, ce sont des photographies prises dans la rue. À Chicago, à New York mais aussi en France, car Vivian Maier était française par sa mère, originaire d’un village des Hautes-Alpes, Saint-Julien-en-Champsaur.
Vivian Maier était une grande portraitiste de rue. Elle saisit des visages d’enfants, de personnes âgées, de noirs, de marginaux avec un sens des cadrages et de la lumière très remarquable.
Il y a aussi de nombreux autoportraits, Vivian Maier se prenant en photo dans des miroirs, jouant sur son ombre, parfois de manière très sophistiquée.
Il y a là un mystère. Quand j’ai entendu parler d’elle, je me suis dit : voilà un cas d’art brut dans le domaine de la photo. L’art brut désigne des œuvres créées par des personnes qui n’avaient pas d’intention artistique. Par exemple des malades mentaux.
Le cas de Vivian Maier est plus complexe. Elle avait une ambition pour ses photos. Elle s’était équipée d’appareils professionnels, un Rolleiflex et un Leica. Elle a semble-t-il, envisagé d’éditer des cartes postales.
En même temps, il y avait quelque chose de compulsif dans cette manière de prendre des milliers de photographies sans même les développer.
Et sans doute souffrait-elle d’un handicap de sociabilité, séquelle d’une enfance très difficile. L’histoire finalement lui rend tout de même justice puisque Vivian Maier est reconnue aujourd’hui comme une très grande artiste.
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