Les images de migrants naufragés suscitent de l'indignation et aussi de l'inquiétude. Comment allons-nous gérer l'afflux de migrants en Europe? Gérard Jaeger répond à Béatrice Soltner.
La question des migrations restera l’un des sujets majeurs pour l’Europe dans les prochaines années. La mobilité de ceux et celles qui quittent leur pays pour rejoindre des terres plus propices ne date pas d’aujourd’hui, mais depuis quelques années le flux continu de réfugiés s’intensifie. Et la mobilité des hommes est perçue comme un problème. Faut-il avoir peur de ceux et celles qui frappent à nos portes? "Je pense qu'il y a de la place pour tout le monde, à condition de transformer la société telle qu'elle existe aujourd'hui", confie Gérard Jaeger, historien et philosophe. Il publie "L'immigration - Faut-il avoir peur de l'avenir?" (éd. Eyrolles).
Gérard Jaeger se positionne non pas en politique ni en économiste: son rôle de philosophe et de réfléchir, d'observer et de donner des pistes. Pour lui, c'est très "en amont" qu'il faut résoudre le problème ; en aval aussi, au moment où les gens arrivent. "C'est bien joli de les accepter sur le territoire, encore faut-il avoir les structures nécessaires pour les accueillir." L'enjeu est de ne pas ostraciser les migrants. Il ne faut pas oublier non plus que pour les personnes qui arrivent en Europe, il est bien difficile de se reconstruire, surtout quand on n'a pas "les codes et les références afférents" au pays où l'on est.
Paradoxalement tout circule aujourd'hui, à vitesse grand V même - les idées, les informations, les marchandises, l'argent - mais les hommes, eux, devraient être cantonnés dans un espace. La mondialisation, on la vie et elle profite à beaucoup mais elle est virtuelle: on ne peut la palper. Pour Gérard Jaeger, ce qui fait peur dans les mouvements migratoires humains c'est cette "matérialisation de la mondialisation". Or, pour le philosophe, en Occident aujourd'hui "on a besoin des autres car nous sommes en régression numérique". Notre population diminuant, cela crée un "espace" pour les migrants.
Dans son ouvrage, Gérard Jaeger raconte aussi l'itinéraire des ces hommes et de ces femmes qui quittent leur pays: il parle de "brisure". "On ne quitte pas sa terre natale de gaîté de coeur, on laisse derrière soi une partie de ce que l'on est", raconte-t-il. Il ne faut pas voir les migrants comme des personnes allant d'un point A à un point B, valises à la main. Certains sont contraints de rester des mois dans des zones extrêmement dangereuses. Souvent, il faut payer des passeurs et passer le restant de sa vie à rembourser des sommes exorbitantes. Mais pour Gérard Jaeger, ces personnes qui ont tenté le tout pour le tout, plus rien ne peut les arrêter. Ceux qui arrivent à Calais ou à Dunkerque "ont fait l'essentiel: ils ne vont pas rebrousser chemin".
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