Le musée d'Orsay, à Paris, consacre actuellement une exposition au grand architecte catalan Antoni Gaudi. Un artiste résolument antimoderne et avant-gardiste.
Lors de mes deux précédentes chroniques, je vous ai parlé d’artistes que l’on peut qualifier de minimalistes, Mark Rothko et Lee Ufan. Aujourd’hui, nous allons à l’autre extrême avec Antoni Gaudi. Ses oeuvres se distinguent par un foisonnement de détails et de couleurs assez uniques dans l’histoire moderne de l’architecture et du mobilier.
Cet homme né en 1852 et mort en 1926 peut être rattaché au courant de l’art nouveau qui s’est illustré à travers toute l’Europe au tournant du XXe siècle. Par exemple en France avec Hector Guimard, en Belgique avec Victor Horta et Henry Van de Velde. Mais aucun n’a poussé aussi loin que Gaudi la profusion des motifs, très souvent inspirés par la nature et en particulier par le monde végétal. Pour autant, le goût du détail n’a pas empêché Gaudi de développer une architecture audacieuse et innovante. Ce qui a amené un historien d’art à le définir comme un antimoderne avant-gardiste.
Gaudi a été motivé toute sa vie par l’idée de faire mieux que le gothique. L’architecture des cathédrales a permis de faire des voûtes très hautes mais au prix de contreforts et d’arcs boutants alourdissant l’extérieur des bâtiments. Pour mieux répartir la charge des constructions, Gaudi invente des techniques nouvelles : des piliers penchés, des arcs paraboliques et surtout des colonnes se ramifiant en hauteur, inspirées par la forme des arbres.
L’oeuvre majeure de Gaudi, la basilique de la Sagrada Familia à Barcelone, a ainsi une voûte qui s’élève à 70 mètres de haut sans aucun contrefort extérieur. La technique est très bien expliquée dans un documentaire disponible sur le site Internet d’Arte. Documentaire qui avance aussi une hypothèse intéressante : Gaudi se serait inspiré des aiguilles rocheuses entourant l’abbaye bénédictine de Montserrat, coeur spirituel de la Catalogne, pour dessiner la silhouette de la Sagrada familia.
L’architecte a construit d’autres bâtiments extraordinaires à Barcelone, comme la Casa Mila ou le parc Güell. D’autre part, la Sagrada Familia était très loin d’être terminée à la mort de Gaudi. Du coup, il est difficile de savoir ce qu’il aurait fait s’il avait pu avancer davantage dans son projet. La basilique presque terminée que l’on peut voir aujourd’hui n’est pas à proprement parler de Gaudi mais à la manière de Gaudi.
Cependant, il y a de quoi être fasciné par ce chantier qui a commencé en 1882 et que Gaudi a conduit de 1883 jusqu’à sa mort en 1926, vivant sur le chantier comme les maçons des cathédrales et ajustant son projet jour après jour.
Gaudi était très profondément croyant et ce célibataire s’est investi dans son projet comme un véritable mystique. C’est pourquoi des admirateurs ont lancé l’idée d’un procès de béatification qui est en cours d’instruction à Rome depuis 2003. Ce qui vaut d’ores et déjà à Gaudi le titre de Serviteur de Dieu. Cas unique dans l’histoire de l’architecture.
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