Jacqueline Fleury-Marié a vécu l'une des pages les plus héroïques et les plus dramatiques de notre XXe siècle. À 95 ans, elle livre un témoignage rare et précieux. Engagée dans la Résistance en 1941, arrêtée par la Gestapo, torturée, puis déportée à Ravensbrück, elle a survécu à la marche de la mort, quand les SS vidèrent les camps de concentration à l'approche des armées russes et américaines, avec la volonté d'épuiser à mort les survivants des camps. Réussissant à s'échapper, elle a pu rentrer à Versailles. Elle aura cinq enfants, dix petits-enfants et 15 arrière-petits-enfants. Élevée à la dignité de grand'croix de la Légion d'honneur en juillet 2019, elle n'a cessé de témoigner auprès des jeunes générations pour que personne n'oublie. Avec Jérôme Cordelier, Jacqueline Fleury-Marié raconte son histoire dans un ouvrage au titre sobre, "Résistante" (éd. Calmann-Lévy).
Originaire de Soissons, la famille de Jacqueline Fleury-Marié avait vécu la Grande Guerre de manière "extrêmement difficile". Son grand-père avait été déporté, sa mère elle-même avait été emprisonnée alors qu'elle était adolescente. "On a un petit peu oublié cette vie des civils pendant la guerre de 14". Si bien que l'arrivée des Allemands en 1940 a été "un refus" dès le début de l'occupation.
Jacqueline Fleury-Marié était encore au lycée quand, à 17 ans, elle est entrée dans la Résistance. "Il y a peut-être des gens qui auraient pu faire de la résistance mais qui n'ont jamais eu de contact. Je dirais qu'on a la chance d'avoir eu un contact." Dès 1941, elle fait partie du mouvement Défense de la France, avec un groupe d'amies versaillaises, dont elle est la plus jeune. En réalité, c'est toute sa famille qui s'engage, "la famille du refus", comme elle l'appelle.
De 1941 à 1943, elle est donc engagée dans Défense de la France. Parmi ses missions, Jacqueline Fleury-Marié allait chercher un journal clandestin imprimé à Paris. "Le ramener dans Paris à l'époque c'était extrêmement dangereux, dit-elle, pour nous ce qui était le plus le plus dangereux c'était la Gestapo, or il y en avait dans les gares, dans les rues, dans le métro..." Être résistant, c'est se dire à chaque instant que l'on peut être arrêté. "Personne, aucun résistant ne pourra dire qu'il n'a jamais eu peur, ce n'est pas vrai, mais dire qu'on était apeuré et qu'on avait l'air... pas du tout !"
En juillet 43, à la suite de nombreuses arrestations au sein de Défense de la France, elle quitte le réseau pour celui de son frère, Mithridate. "À Versailles on ne l'a jamais beaucoup raconté mais il y avait les plans du mur de l'Atlantique qui se trouvaient dans le château de La Maye." Un château que les Allemands occupaient et qui est aujourd'hui une clinique privée. Le frère de Jacqueline Fleury-Marié subtilisait des parties du plan, qu'elle recopiait "dans une arrière-boutique versaillaise". Ce fameux mur que les Allemands ont bâti tout au long des côtes françaises pour stopper un éventuel débarquement...
Dans son ouvrage, "Résistante", Jacqueline Fleury-Marié insiste sur la solidarité des Français à cette époque. Tous les Français n'étaient pas pétainistes, de même qu'ils n'étaient pas tous résistants. "Ils étaient ni l'un ni l'autre, ils essayaient de survivre." À une période où la vie était très difficile, où il était compliqué de se nourrir, de se chauffer, de se vêtir... Jacqueline Fleury-Marié a aussi été témoin de la solidarité des Français envers les résistants. Et de ses parents en premier lieu.
Le 3 février 44, la Gestapo fouille l'appartement familial. "Nous ne serons pas arrêtés tout de suite, mais plus tard, le 29 juin 1944." Quand "on travaille dans la Résistance" depuis longtemps, on y a souvent pensé à cette arrestation. Et puis "voilà", dit-elle, ça finit par arriver. Jacqueline Fleury-Marié est arrêtée, en même temps que ses parents. Emmenée à la prison de Fresnes, elle est placée au secret, elle subit des interrogatoires "difficiles". Pour la faire parler elle est "passée à la baignoire".
Qu'est-ce qui fait qu'on ne parle pas dans ces cas-là ? "J'avais vraiment un mépris total pour les Allemands, quels qu'ils soient." Le 15 août 1944, quelques jours après le débarquement du 6 juin, dix jours avant la libération de Paris, elle est emmenée à Ravensbrück. "C'est diffice quand on ne l'a pas vécu" d'imaginer des femmes parquées dans les wagons, des femmes âgées, blessées, dont on entend les gémissement, les pleurs, pendant sept jours et sept nuits. Et puis il y a l'arrivée au camp. Elle écrit : "Ne pas pleurer devant nos bourreaux c'est notre manière de prolonger la résistance."
Émission d'archive diffusée en septembre 2019
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