Que s'est-il passé entre l'apparition des premiers agriculteurs et l'installation des premières grandes civilisations? Une période que Jean Guilaine appelle "protohistoire"...
Pourquoi nos ancêtres chasseurs-cueilleurs se sont-ils sédentarisés ? Comment est née l'agriculture ? Ces questions passionnent Jean Guilaine. Enseignant d'histoire-géographie au lycée devenu professeur honoraire au Collège de France, il fait partie de ceux qui ont réhabilité à nos yeux de profanes une période largement négligée jusque-là, le Néolithique. Une période fondatrice dans l'histoire de l'humanité car c'est à ce moment qu'est née l'agriculture. Avec "Les Chemins de la Protohistoire" (éd. Odile Jacob, 2017) Jean Guilaine suscite une fois de plus la curiosité de ses lecteurs sur cette époque.
C'est bien à la génération de Jean Guilaine que l'on doit, à partir des années 50, des études approfondies sur le Néolithique. Les grands préhistoriens de l'époque, comme André Leroi-Gourhan (1911-1986) ou l'abbé Breuil (1877-1961) étaient surtout des paléolithiciens. "Depuis que la préhistoire est née au XIXè siècle on s'intéresse essentiellement aux origines de l'homme. Puis, au tournant des XIXe et XXe siècles, avec la reconnaissance de l'art pariétal, on reste dans le monde des chasseurs-cueilleurs, c'est-à-dire le Paléolithique."
Né en 1936 à Carcassonne dans un milieu modeste, Jean Guilaine doit sa passion de l'histoire à son père qui la lui a transmise, à ses grands-parents agriculteurs son désir d'étudier le monde rural et ses origines. Et à l'abbé Breuil d'avoir été recommandé auprès de Max Escalon de Fonton (1920-2013), qui lui a ouvert les portes de la recherche et du CNRS. Un enfant de la République porté par la passion de l'histoire et du monde rural. Tout désignait Jean Guilaine à devenir l'un des plus grands spécialistes du Néolithique.
Dans son livre "Les Chemins de la Protohistoire", Jean Guilaine nous permet d'aborder une période et aussi un concept, celui de protohistoire justement. Littéralement, le terme signifie "juste avant l'histoire". Mais dans sa définition la plus étroite il s'agit de l'histoire de ces populations qui n'avaient pas l'écriture, mais à propos desquelles d'autres civilisations ont écrit. Ainsi les populations gauloises sont-elles entrées dans l'histoire grâce aux auteurs grecs du VIe siècle, malgré le mépris affiché de ces auteurs à leur égard. Soulignons que l'écriture est considérée comme "la césure" entre la préhistoire et l'histoire.
Jean Guilaine propose dans son livre une autre définition de la protohistoire : le monde des paysans avant que l'apparaissent la ville. De l'apparition des premiers agriculteurs à l'installation des premières grandes civilisations : un vaste champ qui englobe le Néolithique et recouvre six millénaires de l'histoire de l'Occident.
Le Néolithique - qui a émergé entre 10.000 et 3.000 avant notre ère au Proche Orient et entre 6.000 et 2.000 avant notre ère en Occident - a été une révolution certes, un véritable basculement dans l'histoire de l'humanité, même, mais "une révolution lente". Il y a eu "des chasseurs-cueilleurs stables, qui avaient des camps de base". Et puis, peu à peu, "au lieu d'avoir un programme de déplacement selon les végétaux et les espèces animales", des groupes se sont sédentarisés. Ils ont choisi des endroits "où ils pouvaient avoir à tout moment de l'année ce dont ils avaient besoin". Comme près de points d'eau.
Pourquoi donc l'homme a-t-il changé de mode de vie ? Est-ce forcé par des contraintes d'ordre climatique ? Démographique ? "On pense de plus en plus que le facteur de changement au fond ce n'est pas la contrainte elle-même mais c'est l'homme lui-même, qui, à un moment donné de son développement psychique et intellectuel, a mis à l'essai de nouvelles façons de vivre. C'est une révolution culturelle."
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