L’acteur Jean-Louis Trintignant, qui était âgé de 91 ans, est mort, vendredi, paisiblement dans sa maison du Gard, entouré des siens. Passionné d’automobile et de poésie, il était aussi un grand comédien de théâtre qui avait joué Schiller, Shakespeare, Ionesco et Giraudoux.
Jean-Louis Trintignant, c’était d’abord une voix, douce comme le miel, et un physique de jeune premier qui tape dans l’œil de Roger Vadim en 1956 dans "Et Dieu créa la femme". La suite allait être tout aussi brillante. Dino Risi ("Le Fanfaron"), Claude Lelouch ("Un Homme et une femme"), Costa-Gavras ("Z" et "Le Train"), ou encore Eric Rohmer ("Ma Nuit chez Maud") lui offriront quelques-uns de ses plus grands rôles. Bien que malade, il avait retrouvé Claude Lelouch en 2019 qui le dirigeait une dernière fois dans "Les Plus Belles Années d'une vie", troisième et dernière partie de la trilogie sur Anne Gauthier et Jean-Louis Duroc, les éternels amants de la plage de Deauville, filmés 53 ans plus tôt.
Jean-Louis Trintignant affiche l’insolence de ses 25 ans devant la caméra de Roger Vadim. Bronzé et beau comme un Apollon, il partage l’affiche d’un futur mythe en la personne de Brigitte Bardot, dont la beauté fait se pamer tous les regards masculins. Tourné à Saint-Tropez, le film demeure célèbre aussi pour la scène de la danse tam-tam mambo où BB offre un numéro d’anthologie sur une musique composée et jouée par Paul Misraki et son orchestre. Le film, sulfureux pour l’époque, bat des records de recettes, tout particulièrement aux États-Unis. Il donnera également naissance à une histoire d'amour entre Brigitte Bardot et Jean-Louis Trintignant. Le mariage de Roger Vadim et de l’actrice ne résistera pas à cette hystérie médiatique.
En 1962, le déjà réputé réalisateur italien Dino Risi jette son dévolu sur l’acteur français pour "Il Sorpasso", "Le Fanfaron" en français. L’histoire d’un quadragénaire, séducteur et hâbleur, joué par Vittorio Gassman qui tente de dévergonder un étudiant incarné par Jean-Louis Trintignant. "Guarda come dondolo": "Regarde comme je me balance", chante Edoardo Viannello dans ce célèbre twist des années 60 qui fit fureur en Italie tout comme Le Fanfaron dont il est extrait, critique subtile de la société de consommation et des mœurs, vue à travers le personnage, très fanfaron justement, de Bruno qu'incarne Vittorio Gassman, beau parleur impénitent qui embarque en plein Ferragosto, en plein 15 août, dans une Rome déserte et accablée par la chaleur, un jeune étudiant qui n'a rien demandé.
J'aurais bien aimé être berger, mais c'est très mal payé. Acteur de cinéma, c'est mieux payé.
Palme d'or du festival de Cannes 1966, Oscar du meilleur film étranger en 1967, "Un Homme et une femme" éblouit. Jean-Louis Trintignant et Anouk Aimée sont tous les deux veufs, se rencontrent, se croisent et finissent par s'aimer d'un amour fulgurant et passionné. Grâce à un ami commun, Pierre Barouh, Francis Lai fait la connaissance de Claude Lelouch. Un tournant décisif dans la carrière du compositeur qui collaborera ensuite pendant cinquante ans avec le cinéaste. Le film, c’est bien sûr sa musique et le célèbre "Chabada-bada", chanté par Nicole Croisille.
«La musique, c'est quelque chose d'inexplicable. C'est un thème facile à mémoriser et c'est ce que cherchait Lelouch, un thème facile à mémoriser à la première écoute», confiait en 2017 Francis Lai après le décès de son ami, Pierre Barouh.
Dans "Z" de Costa-Gavras, Jean-Louis Trintignant incarne un juge intègre chargé d’enquêter sur la mort d’un député, assassiné, joué par Yves Montand. Mikis Theodorákis compose le morceau "O Andonis" pour la circonstance, un titre sec et nerveux que l’on dirait tout droit sorti d’un western spaghetti où monte crescendo la tension, soutenue par les cordes puis les trompettes. Un grand thème pour un grand film. La dénonciation de la dictature militaire en Grèce sert de trame à Costa-Gavras qui dépeint avec froideur les mécanismes d'une machination judiciaire et d'un complot ourdi par l'Etat pour éliminer un opposant politique. Jean-Louis Trintignant joue une partition qui fera date et qui lui vaut le Prix d'interprétation masculine au festival de Cannes.
Onze ans après "Le Combat dans "l’île d’Alain Cavalier, Jean-Louis Trintignant partage en 1973 l’affiche avec Romy Schneider dans "Le Train", de Pierre Granier-Deferre. Le film, porté par la musique émouvante de Philippe Sarde met en scène, pendant l’exode du printemps 1940, la vie d'un réparateur de poste de radio, Julien, qui décide de fuir sa ville avec sa femme, enceinte, et leur fille. Lors de leur voyage en train, les deux femmes sont installées en première pendant que lui est obligé de voyager dans le wagon à bestiaux. Il rencontre Anna, une femme mystérieuse, qui au fur et à mesure de leur conversation, lui annoncera qu'elle est juive, allemande et en fuite. Fraîchement séparé d’Harry Meyen, l’actrice nouera une idylle avec le comédien français.
Le plus grand sujet c'est la mort, je n'aime que les auteurs qui parlent de la mort.
Le film sera couronné de prix internationaux : Palme d’or à Cannes, Oscar, Golden Globe, César… Avec Emmanuelle Riva, Jean-Louis Trintignant forme en 2012, sous la caméra de Michael Haneke, un couple en fin de vie bouleversant dans "Amour". Georges et Anne sont octogénaires. Professeurs de musique à la retraite, ce sont des gens cultivés qui aiment la musique classique. Leur fille Eva, également musicienne, vit à l’étranger. Un jour, Anne est victime d’une attaque cérébrale. Lorsqu’elle sort de l’hôpital et revient chez elle, tout est différent. Dans le huis clos de leur appartement parisien, l’amour qui unit ce vieux couple va être mis à rude épreuve. La bande originale se compose de nombreux morceaux de musique classique dont l’"Impromptu, opus 90 D899 No. 3 en sol bémol majeur", de Franz Schubert. On peut y entendre d’autres morceaux de Schubert, mais aussi de L. van Beethoven et J.-S. Bach, qui sont interprétés par le pianiste Alexandre Tharaud.
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