Il y a 150 ans naissait la Commune de Paris, une insurrection de 71 jours qui s’achève avec la semaine sanglante en mai 1871. Aujourd'hui encore, la Commune est une référence historique pour les Français, notamment pour les mouvements de gauche.
Claire L'Hoër est normalienne et agrégée d’histoire. Avec Alain Frerejean, elle signe le livre "Le siège et la Commune de Paris - Acteurs et témoins racontent - 1870-1871" (éd. de l’Archipel). La Commune, elle la qualifie de "très instrumentalisée par les partis politiques et ayant eu des répercussions importantes pour la vie politique française". Les historiens ont voulu s’intéresser au témoignage direct des acteurs et des témoins, "ceux qui ont vécu les événements des deux côtés". Les nombreuses "sources de première main" ont permis aux deux auteurs de s’intéresser concrètement aux répercussions de la guerre civile qu’est la Commune.
Le 4 septembre 1870, après la défaite des troupes françaises face à la Prusse à Sedan, le France bascule dans une République. "La Commune trouve son terreau dans cette guerre", souligne Claire l'Hoër. Napoléon III est déchu de son trône impérial, c’est "l’aboutissement d’un mouvement historique qui vise à la mise en place du gouvernement républicain" et qui commence dès 1789 avec la Révolution. "Tout au long du XIXe siècle, il y a plusieurs tentatives républicaines". Si 1870 est un succès, c’est aussi parce que la révolution industrielle rassemble les forces ouvrières dans les villes.
"La Commune est une guerre civile : les Français se battent entre eux, il y a des morts dans les deux camps". Le tout sur fond d’opposition prussienne. Après la défaite de Sedan, les troupes ennemies encerclent Paris : "le peuple de Paris souffre de la faim, du froid, mais ne se rend pas". Claire l'Hoër met en lumière le courage patriotique qui fait "qu’on ne capitule pas". Mais certains veulent signer un traité de paix avec les prussiens. En février 1871, une assemblée est élue et s’installe à Bordeaux pour définir les conditions de la paix. Mécontents, les Parisiens organisent le 1er mars une manifestation officielle.
Le 18 mars 1871, c’est l’affaire des canons. Malgré le siège, les parisiens se munissent de canons financés par le peuple grâce à une souscription publique. "Ils sont mis en sûreté sur la butte Montmartre, pour ne tomber ni entre les mains des Prussiens, ni entre les mains du gouvernement de Bordeaux à majorité monarchiste et dirigé par Adolphe Thiers". Ces canons remettant en cause sa légitimité, il envoie des troupes les récupérer au matin du 18 mars. Germain Turpin, un représentant de l’assemblée, est blessé par balle par un communard. Son supérieur refuse de l’envoyer à l’hôpital : "les soldats fraternisent avec les parisiens qui défendent les canons". Louise Michel exhorte la foule à venger Turpin, l’atmosphère devient "orageuse". Les communards reprochent à Thiers d’avoir signé des conditions de paix impliquant 'la perte de trois départements et de trois milliards de francs or".
Deux généraux de l’armée française sont fusillés par la foule, accusés d’être des "massacreurs du peuple". La réponse d’Adolphe Thiers est ferme : son gouvernement s’installe à Versailles avec l’ambition de reprendre Paris. "C’est un signal fort pour une assemblée à majorité monarchiste". Pour éviter la fraternisation des soldats avec les communards, Thiers réquisitionne des soldats de provinces non francophones, comme par exemple des Bretons.
Le 21 mai 1871, les troupes versaillaises entrent dans Paris et reprennent la capitale d’ouest en est. Jusqu’au 28 mai, c’est la Semaine sanglante : "entre 20 000 et 30 000 personnes sont tuées en une semaine. Les ordres donnés sont outrepassés". Paris brûle et connaît une "barbarie inouïe", le tout sous les yeux ébahis des Prussiens.
Pour Claire l’Höer, la Semaine sanglante met fin à la Commune de Paris, dans la mesure où "les communards sont soit tués, soit arrêtés, soit ils prennent peur et s’exilent". Le mouvement est bel et bien "décapité". Nombre des communards sont jugés sévèrement et sont déportés en Nouvelle-Calédonie.
Les communards défendent la valeur du travail : celui qui travaille doit toucher une contrepartie. Ils militent pour l’instruction, et en faveur d’une justice sociale. "Le peuple doit savoir lire, écrire et compter". La Commune, aussi, c’est l'affirmation de l’anarchisme : "on refuse l’autorité sous n’importe quelle forme". Beaucoup de courants différents se retrouvent dans le Paris intra-muros de 1871 : "les communards se disputent dans des clubs avec des conversations d’opinion. On discute beaucoup mais pas grand chose n’est fait pour libérer Paris".
Bien que réprimée d’une manière brutale, la Commune de Paris "proclame des mesures adoptées rapidement par une assemblée élue des députés Français". Parmi les lois qui seront adoptées, la séparation de l’Église et de l’État ou les lois sur l’instruction. Si les communards décrètent que tous les enfants doivent aller à l’école mixte, il faut attendre 1882 pour que les lois Jules Ferry concrétisent cette idée. Plus tard, en 1911, la réduction de la journée de travail est obtenue grâce aux revendications nées sous la Commune.
Pour Claire l'Hoër, la Commune de Paris est restée utopique : "les mesures qu’on couche sur le papier ne sont pas vraiment mises en application". Si les communards ont des idéaux élevés, leur refus de l’autorité les empêche d'aboutir à des mesures concrètes. "Ils rêvent un monde ou chacun participerait au bien commun sans qu’il y soit obligé". Quoi qu’il en soit, la Commune reste gravée comme une "blessure, comme une guerre pas très glorieuse".
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