Penser à l’histoire de l’Algérie, aujourd’hui, c’est généralement penser à la guerre d’indépendance et à ses conséquences. Pourtant, l'histoire de ce pays est pluri millénaire et mêle de la longue histoire néolithique, grecque, romaine, berbère, arabe, turc… Michel Pierre vient de publier un monumental travail sur l'histoire de l'Algérie aux éditions Tallandier.
Longtemps attaché culturel en Algérie, Michel Pierre publie un important travail, Histoire de l’Algérie (éd. Taillandier), en se donnant pour mission de (re)valoriser le riche passé de ce pays du Maghreb.
"Aujourd’hui, entre 10 et 12 millions de Français ont un lien charnel avec l’Algérie". Parmi eux, des exilés, des enfants de pieds-noirs, des vétérans de la guerre… Un "chiffre hallucinant" qui met en lumière le lien fort entre les deux pays et qui pousse à se pencher davantage sur l’histoire de l'Algérie.
L’Algérie, c'est d’abord une période préhistorique important, qui "laisse des vestiges considérables, notamment en peinture rupestre". Le Sahara algérien n’est alors pas un désert, mais une savane. Pour Michel Pierre, c’est "le plus grand musée du monde à ciel ouvert", avec des dizaines de milliers de peintures dans toute la zone.
Entre le Ier et le IIe siècle, l’Afrique du Nord se romanise progressivement. Dans cette "Afrique proconsulaire, des frontières se dessinent peu à peu, mais elles ne seront confirmées qu’à partir du XVIe avec la régence d’Alger". Rome marque aussi l’Algérie en voulant imposer le christianisme. L’historien évoque le "cas très particulier du Maghreb chrétien, qui était une importante terre de christianisme et qui a totalement perdu cette dimension aujourd’hui". Si les religions chrétiennes, bien que menacées, existent dans le reste du Moyen-Orient, elles semblent être absentes en Algérie.
"Ce qui s’est passé dans le cas du christianisme, c’est qu’il y a d’abord eu un moment de conquête et de conversion". Beaucoup acceptent de s'y convertir, avant d'être séduits par l’Islam. D’autant que "les croyances se ressemblent", et, quand les échanges commerciaux cessent avec Rome, "le christianisme s’anémie". Les communautés chrétiennes disparaissent totalement vers la fin du XIIe siècle.
L’Algérie est aussi marquée pendant trois siècles par la présence ottomane. La "vague souveraineté exercée par le régent d'Istanbul" sur le territoire local d’Alger participe à l’ordre de la ville, sans pour autant être une présence coloniale. En parallèle, la culture méditerranéenne se développe et se propage rapidement, notamment grâce au port d'Alger.
Si la décolonisation de l’Algérie a été aussi violente, c’est parce que "dès 1848, le territoire est découpé en trois départements. C’est une colonie de peuplement, rapidement intégrée à la France métropolitaine". Pour Michel Pierre, jusqu’en 1962, les Algériens sont "confrontés à quelques centaines de milliers de colons qui s’y sentent chez eux". La décolonisation est d’autant plus "douloureuse et sanglante" que chacun s’y revendique chez soi et veut légitimer que cette terre lui appartient.
Pour l’écrivain algérien Kamel Daoud, "l'Algérie est enfermée dans une décolonisation sans fin". Juste après l'indépendance, en 1962, il "n’y a pas de réclamations directes. Cette rente mémorielle qui fausse le rapport à la France n’est venue que plus tard", souligne Michel Pierre. Pour lui, la "seule façon de s’en sortir" serait de banaliser les relations pour éliminer les frustrations sur le long terme.
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