"On ne peut jamais rien dire de définitif sur Jérusalem, on a toujours des craintes dès que l'équilibre est fragilisé." Cité disputée, déchirée, Jérusalem a beau se trouver au cœur d'un conflit inextricable, elle n'en reste pas moins chargée de sens. Pour comprendre sa longue histoire, il faut lire revenir aux sources. À l'occcasion de son quarantième anniversaire, la revue Le Monde de la Bible consacre un important dossier à Jérusalem dans son numéro 223 : "Jérusalem dans les textes et les pierres".
Trois religions, deux nations contraintes de cohabiter. Depuis les déclarations de Donald Trump, il est plus que jamais nécessaire de tenter de comprendre ce qu'est Jérusalem. On projette "beaucoup de fantasmes" sur cette ville, comme le dit Guy Delisle. Le dessinateur et scénariste de BD, auteur de "Chroniques de Jérusalem" (éd. Delcourt, 2011), a vécu un an dans le quartier arabe de la ville, là où s'installent la plupart des ONG et associations humanitaires.
"Beaucoup ne sont jamais allés là-bas mais ont une vision précise de la ville." Lui y est allé sans a priori, pour suivre sa compagne, mais il a été "tout de suite confronté à la tension" et confie même être revenu "très fatigué" de cette année. Pourquoi la ville est-elle autant multireligieuse ? Pourquoi cet équilibre est-il difficile, précaire?
Essentielle pour apporter des réponses, la recherche archéologique a justement beaucoup progressé ces dernières années, notamment grâce au projet européen de recherche Open Jérusalem, qui a donné lieu à la publication de "Jérusalem - Histoire d'une ville-monde" (éd. Flammarion, 2016).
Il faut remonter au Xè siècle, pour voir la ville devenir vraiment multireligieuse, avec l'émergence de quartiers juifs, musulmans, chrétiens - eux-mêmes subdivisés en quartiers arméniens, orthodoxes, etc. Et l'État d'Israël a beau exister depuis 1948, la ville de Jérusalem reste encore marquée par ces trois identités-là. "La question qui se pose toujours, précise Benoît de Sagazan, est celle de l'accès aux lieux saints pour ces trois communautés."
La première apparition de Jérusalem dans les textes remonte au XVIIIè siècle av. J.-C. "Ça m'impressionne toujours un petit peu de penser que Jérusalem rentre dans l'histoire sous le sceau d'une malédiction, puisque ce sont des textes d'exécration égyptiens, dont Jérusalem était l'ennemie", confie l'archéologue Estelle Villeneuve. "Jérusalem est rentrée dans l'histoire un peu comme le jouet entre les Assyriens, les Mésopotamiens... parce que cette région-là était le terrain de jeu et le champ de bataille des grandes puissances de l'époque."
Le nom de Jérusalem signifie "ville de la paix". Mais c'est là une réinterprétation biblique. Car étymologiquement, elle est la ville de Shalem, une divinité cananéenne ancienne. De même, "le succès et la pérennité de Jérusalem aujourd'hui est le fruit d'une réécriture biblique", précise l'archéologue, auteure de "Sous les pierres la Bible" (éd. Bayard).
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