Anjou Rouge, Rosé de l’Anjou, plusieurs appellations de vin de Loire tentent, ou vont tenter de modifier le cahier des charges de leur vin. Mais rien ne se fait à la légère, tout est contrôlé par l’Inao, l’Institut national de l'origine et de la qualité. Mais concrètement, quel est l’impact de ces changements sur le contenu d’une bouteille ? Comment l’Inao juge ces demandes ? RCF Anjou a demandé des précisions à Pascal Cellier, responsable de la délégation territoriale Val de Loire de l’Inao.
L’Inao (L'Institut national de l'origine et de la qualité) intervient sur la définition du cahier des charges qui donne le style à un produit.
RCF Anjou : Plusieurs appellations du Val de Loire ont voulu récemment changer leur cahier des charges, c’est le cas de l’Anjou Rouge avec l’introduction de Grolleau. Dans ce cas précis, pour quelles raisons est-on venu nous voir ?
Pascal Cellier : « Pour l’Anjou Rouge, c’est un vin rouge particulier. Il est élaboré sur des terrains schisteux, ce qui lui donne une certaine dureté. Les vignerons, depuis que l’appellation existe, essayent de s’adapter à cette situation. Il y a d’abord eu un travail au niveau de la maturité des vendanges, - ça c’était le travail du syndicat des vins rouges - sur des questions de vinification mais aussi d’encépagement. Leur demande d’introduction du cépage Groleau, ça fait partie de cette logique-là. »
RCF : Rappelons que quand on veut rentrer dans une appellation, il faut rentrer dans des règles bien précises.
PC : « Oui. C’est comme un permis de conduire. Vous avez la possibilité de produire des appellations mais ensuite, vous êtes contrôlé sur la façon dont vous travaillez les vignes. Et puis il y a aussi des contrôles sur le rendu final du produit, il faut que ça corresponde à un vin qui évoque l’appellation. »
« Ces changements, ça arrive assez souvent » P. Cellier
RCF : Vous faites fréquemment face à ces demandes de changements dans le cahier des charges ?
PC : « Oui, ça arrive assez souvent ! En 2021, on a eu des demandes sur l’Anjou en vin mousseux et liquoreux. De toute façon, un produit, ça évolue tout le temps. Il y a des règles de bases, des fondamentaux qu’il faut respecter. Mais ensuite, il y a des questions sur lesquelles il est nécessaire de s’adapter, concernant le climat par exemple, ou le changement de style de vin. Des sujets sur lesquels on peut bouger ces cahiers des charges. »
RCF : Concrètement, pour le consommateur, est-ce que ces décisions très « techniques » ça change quelque chose ? Ça peut changer le goût d’un vin par exemple ?
PC : « Bien évidemment ! Pour vous donner un exemple, j’ai travaillé sur les vins liquoreux d’Anjou. A un moment, on a introduit une règle obligatoire qui concernait les vendanges manuelles par tri, avec une recherche de pourriture noble. Le style de ces vins-là était différent de celui qui était issu d’une récolte réalisée en une seule fois avec la machine à vendanger ! Peu à peu, le style de vin peut évoluer en fonction des règles qui sont définies dans le cahier des charges.
Sur l’Anjou rouge, avec cet ajout de Groleau, on veut aller sur un vin plus facile à boire. Je dirais gouleyant, fruité. Je vous le disais tout à l’heure, dès le départ, le syndicat a voulu que ce vin soit un vin printanier, différent de l’appellation Anjou village. »
RCF : Est-ce que vous, à l’Inao, vous accédez souvent à ce genre de demandes ?
PC : « Déjà, il y a un gros travail préparatoire. Avant de présenter la demande à une instance nationale, les services locaux de l’Inao (à Angers) travaillent pour préparer cette demande avec les ODG (Organisme de défense et de gestion). Pour les Anjou Rouge, la préparation a duré plus d’un an (en 2019) et la demande est arrivée fin 2020. Donc, quand la demande remonte, l’Inao a déjà travaillé avec les producteurs pour définir quelque chose qui est recevable. Si on n’y arrive pas et que la demande est transmise au niveau national, les services font une analyse et les membres professionnels, quand ils prennent une décision, ont les éléments en mains pour dire si c’est jouable. »
RCF : Quand on est consommateur, comment savoir si un cahier des charges change ?
PC : « C’est compliqué. De toute manière, le consommateur va se référer à une image qu’il a de l’appellation. Chez nous, on parle d’un « air de famille ». Si j’achète un Anjou Rouge et que je n’aime pas son goût, que, par exemple, je ne retrouve pas ce côté printanier, aromatique ou fringant, évidemment je suis déçu et je n’y retourne pas ! Je n’ai pas besoin d’aller voir le cahier des charges. »
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