Il y avait chez Jean d'Ormesson une lucidité et un émerveillement sur le mystère de la finitude humaine. Tantôt sévère, tantôt bienveillant, il restait dans la position du sage, où l'on aimait le voir. Né le 16 juin 1925, Jean d'Ormesson est mort dans la nuit de lundi à mardi.
Normalien, agrégé de philosophie, il a été éditorialiste politique et directeur du Figaro entre 1974 et 1977. Il a reçu le Grand prix du roman de l'Académie française pour "La Gloire de l'Empire" en 1971. Et avec "Au plaisir de Dieu" (1974) ou jusqu'à son "Guide des égarés" (éd. Gallimard, 2016) il manifestait dans ses romans une préoccupation sur le sens de la vie. En 2015, la prestigieuse Bibliothèque de la Pléiade a publié le tome 1 de ses Œuvres. Homme médiatique, il aura été toute sa vie un observateur fin, amusé, inquiet parfois, de la société. Début 2018, il allait publier "Et moi je vis toujours".
En décembre 2016, Jean d'Ormesson était sur RCF à l'occasion de la parution de son "Guide des égarés". Un titre qu'il avait emprunté à Moïse Maïmonide (1135-1204). En 1190, ce grand médecin et philosophe juif s'adressait en arabe aux égarés de la religion. En 2016, il inspirait l'homme de lettres qui souhaitait s'adresser à ses contemporains. Parce que "nous sommes tous un peu dans l'égarement". La perte de sens, un discours presque usé à force d'être repris par les politiques. Mais justement, comme en réponse aux maux de notre temps, Jean d'Ormesson restait fidèle à l'émerveillement et l'admiration du monde, qui l'ont toujours habités.
Le XXè siècle, était pour lui celui des changements mais des changements rapides. À la façon d'un Blaise Pascal il dépeignait sans ambages ses semblables, et comme le sage qui embrasse un brin ironique la condition des humbles, il écrivait: "Et pour tacher de survivre le moins mal possible, l'homme camoufle avec soin son destin désastreux sous tout ce qui peut lui venir à l'esprit et lui tomber sous la main: le sexe, le pouvoir, l'argent, les honneurs, l'importance, un savoir dérisoire, les drogues de toute espèce, la longue liste des illusions, tout ce que Pascal ramasse sous le terme inspiré de divertissement."
Le "Guide des égarés" doit beaucoup aux "Confessions" de saint Augustin, "de merveilleuses pages sur le temps". À plus de 90 ans, l'écrivain confiait n'avoir jamais "ressenti le besoin de psychanalayse". Il n'était pas épargné cependant par "l'angoisse ontologique du temps qui passe". "Comment ne pas voir que tout s'en va, que tout passe? disait-il, si cela n'entraîne pas une forme d'angoisse... ?" Lui qui avait survécu à un cancer n'avait pas attendu l'épreuve de la maladie pour chercher Dieu, il l'a toujours tenu présent dans sa vie. "Entre l'absurde et le mystère, on a le choix." Une foi qui repose sur le pari pascalien. "Vous savez une vie ça passe vite et l'éternité c'est assez long."
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