Qu’il soit militaire ou civil, le drapeau exprime une identité, une vision du monde. De sa conception à son acceptation - parfois partielle - par la population concernée, le drapeau suscite des sentiments variés et incarne des luttes idéologiques et politiques, devenant un véritable enjeu pour ceux qu’il représente.
Bertrand Galimard Flavigny est journaliste, reporter et critique. Dans "Histoire du drapeau, de France et d'ailleurs" (éd. Perrin), il s’intéresse à l’origine et aux évolutions des drapeaux que nous connaissons.
"Le mot vient de l’italien drappello; qui signifie chiffon", explique Bertrand Galimard Flavigny. Dans l’Empire romain, c’est surtout l’aigle surplombant le bâton qui est l’emblème et le symbole divin pour les guerriers. "On devait mourir pour lui", souligne l’intervenant, qui rappelle que l’aigle est un objet de vénération. Quelques siècles plus tard, à la bataille d’Hastings, on prend conscience qu’un objet d’appartenance est nécessaire : "les Saxons ne savaient pas sur qui ils tapaient". Symboliser l’unité d’un groupe et faire la différence avec les ennemis apparaît alors comme une évidence.
La chape de Saint Martin est elle aussi plébiscitée quand il faut partir à la guerre. "Elle est très importante pour la France : on dit que sa cape était vénérée et qu’elle a permis aux Français d’être victorieux sur certaines batailles". Ce "morceau de tissu" devient un emblème que l’on brandit sur le champ de bataille, tout comme l’oriflamme de Saint Denis, étendard du roi de France jusqu’à la fin du Moyen Age.
"On met beaucoup de pragmatisme dans l’histoire de ces étendards". De la royauté à l’Empire, l’histoire française conjugue autour du drapeau des symboles très importants : le lys est ainsi imposé par Charles VII et symbolise la royauté, quand Napoléon se ré-empare de l’abeille, originellement utilisée par les mérovingiens.
"Sous la monarchie, les gardes royaux étaient en rouge et en bleu, quand le blanc était la couleur du roi sur la cocarde". Le 14 juillet 1790, le champ de Mars est envahi de bleu, de blanc, et de rouge, symbole des affrontements idéologiques propres à la Révolution. Lafayette, qui commande la milice, imagine alors un drapeau tricolore qu’il présente le 31 juillet de la même année, avec ces mots : "je vous apporte messieurs une cocarde qui fera le tour du monde". "On dit que c’est le peintre Louis David qui a choisi l’ordre des couleurs", souligne Bertrand Galimard Flavigny.
Plus tard, le 25 février 1848, pour la proclamation de la République, les insurgés réclament un drapeau rouge. Et à Lamartine de répondre que "le drapeau rouge que vous nous rapportez n’a jamais fait que le tour du Champ de Mars". Mais le drapeau tel que nous le connaissons sera la source de nombreuses oppositions idéologiques : Bonaparte et Napoléon lui donnent des formes différentes, et en 1871 le comte de Chambord refuse le drapeau tricolore.
C’est finalement en 1880 que le drapeau tricolore et l’hymne national sont adoptés définitivement. Mais c’est sans compter les remises en questions qui adviennent plus tard, notamment pendant la Seconde guerre mondiale, où la Croix de Lorraine de Gaulle fait face à la Francisque de Pétain. "Deux conceptions différentes de l’État français ont été posées sur le drapeau tricolore". Preuve de plus, s’il en faut, que les drapeaux sont malléables et qu’ils ne cessent de se reconstruire.
"Aux États-Unis, le drapeau est considéré comme un être vivant". Avant d’en arriver à la bannière étoilée, le drapeau américain connaît un très long parcours. "Les membres du congrès voulaient une étoile et une rayure par État". Mais plus le temps avance, plus le pays compte d’États et concilier cela avec le drapeau devient problématique. La législation américaine autour du drapeau est particulière : très présent dans le paysage et facilement brandi, le drapeau doit être "composé dans une matière facilement nettoyable", et ne peut être jeté à la poubelle. Les Américains lui rendent hommage et "il y a dix endroits dans le monde où il doit être constamment flottant : le Congrès ou la Maison Blanche, mais aussi la lune où il flotte depuis 1969 ! "
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