La médecine palliative, ce n’est pas qu’une question de mort et de séparation, de fin et de souffrances. C’est aussi et surtout offrir la meilleure qualité de vie possible pendant le temps qu’il reste à vivre, pour le patient lui-même et pour les proches qui l’accompagnent.
Les soins palliatifs ont eu au cours du temps des significations très différentes et au sein des différentes cultures des significations parfois diamétralement opposées
précise d’emblée le Dr Stéphane Nikis, chef de service de l'unité palliative du Grand Hôpital de Charleroi, sur le site de l’IMTR à Loverval.
Dans le monde anglo-saxon, ce terme reprend tous les soins que l’on peut donner à un patient à partir du moment où sa situation est déclarée incurable, le tout étant orienté vers le confort du patient.
Formés à guérir et remettre sur pieds leurs patients, tous les médecins – surtout en début de carrière - ne sont pas à l’aise avec cette notion de soins palliatifs. Le Dr Nikis, lui, se sent tout-à-fait à sa place dans ce service.
Je viens de l’anesthésie, c’est-à-dire la vie à tout prix et parfois à tous les prix. Les soins palliatifs sont les derniers soins que l’on peut apporter à un patient, pour qu’il puisse terminer sa vie dignement, et ça fait partie du rôle du médecin. Cela ne veut pas dire que les soins palliatifs sont synonymes d’euthanasie, que du contraire. Le médecin sort de son côté technicien et devient l’accompagnant médical.
Sr Valérie Vasseur est à la fois responsable du Service pastoral de la Santé du diocèse de Tournai et infirmière depuis de longues années dans une unité de soins palliatifs, au Chwapi de Tournai. Comme elle l’explique, venir travailler dans un tel service est toujours un choix :
Les infirmières que j’ai connues qui n’avaient pas fait ce choix ou se l’étaient vu imposer par la direction hospitalière n’ont pas tenu, vraiment il y a à la fois un choix personnel et un moteur qui font qu’on s’engage et qui donnent sens aussi au travail qu’on accomplit.
Pour Sr Valérie, c’est son vécu personnel qui l’a incitée un jour à se diriger vers le domaine palliatif.
Ayant perdu les parents à 42 et à 52 ans, en ne pouvant pas leur dire au-revoir, pour moi il était important, par mon travail aux soins palliatifs, de donner la chance aux gens de dire au-revoir à leurs proches, à leurs amis. Un temps que je n’ai pas pu vivre parce que cela a été des morts brutales ; c’est cela qui a aussi motivé ma présence dans cette unité.
Les soins palliatifs sont un environnement vraiment enveloppant
constate aussi Françoise Devilers, animatrice en pastorale pour le diocèse de Tournai et chargée de l’aumônerie en milieu hospitalier.
Un espace de bien vivre, de joies, de pleurs aussi. Le temps est différent…
Souvent, séjourner en soins palliatifs est l’occasion de dresser le bilan de sa vie ou de renouer des contacts. « En général quand je rencontre le patient, on arrive très vite à faire un récit de vie », souligne Françoise Devilers.
Et alors là viennent les questions comme ‘qu’est-ce que j’ai fait de ma vie ?’ ou ‘qu’est-ce que je vais laisser comme trace à mes enfants, mes petits-enfants, à mes collègues de travail ?’ et tout cela permet de faire un petit travail avec la psychologue aussi, de se faire une idée globale du moment présent. Un patient m’a laissé une chouette image, il m’a dit ‘tu sais Françoise, ici je commence une deuxième vie’. Il était assez loin dans sa pathologie mais il a demandé à revoir certaines personnes, il a organisé de son lit des barbecues sur le parking,… Le bilan c’est de se dire ‘je n’ai plus beaucoup de temps, mais j’ai encore ce temps-là’.
Il y a maintenant plus de dix ans, Pierre Liénardy a accompagné sa femme pour ses derniers moments, en soins palliatifs. Quels souvenirs garde-t-il de l’atmosphère qui règne dans ce type d’unité, qu’on imagine fort différente des autres services d’un hôpital ?
Ce qui nous a d’abord frappés, elle et moi, c’est que nous étions dans une autre aile du bâtiment. Je me souviens aussi que nous avons réagi aux couleurs pastels des murs, à la décoration dans les chambres… On n’avait pas non plus – comme dans une unité de soins intensifs – le bruit des respirateurs, le monitoring, des écrans dans tous les sens. Et aussi, de la part du personnel, un sens de l’accueil, un sens de la présence, auprès non seulement de la personne malade mais aussi de la famille.
Contrairement aux idées répandues, les unités palliatives ne sont vraiment pas des « gares terminus ». Car que ce soit pour un séjour temporaire, le temps du traitement d’une douleur ou d’un inconfort, ou pour un chemin vers le dernier départ, la vie y garde tout son sens.
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