"Le vin est un don de Dieu, la bière une invention des hommes", disait Martin Luther. Cette invention, Benoist Simmat et Lucas Landais la racontent dans leur nouvelle bande dessinée "L'incroyable histoire de la bière" (éd. Arènes). Si sa création remonte à près de 15.000 ans, cette boisson connaît un nouveau souffle grâce à l’essor des brasseries artisanales.
Aujourd’hui, entre une et deux manufactures de bières locales sont créées chaque jour en France. Cet engouement pour la bière artisanale se comprend au regard de son histoire qui en a fait une boisson universelle. Pour Benoist Simmat, également auteur de "L’incroyable histoire du vin", la citation de Martin Luther "résume parfaitement la dualité entre ces deux grandes boissons fermentées". Si le vin fermente naturellement, la bière demande l’intervention de l’homme.
"La recette de la bière est peut-être la première recette de l’humanité", note Benoist Simmat. Elle est d’ailleurs "pensée dans différentes régions du monde au même moment" quand le vin émerge dans un seul endroit. Les plus anciennes traces de la bière remontent à il y a 15 000 ans, en Israël, avant le néolithique. "C’est d’abord une épaisse bouillie de céréales qu’on pourrait qualifier de proto-bière", souligne l’intervenant, qui ajoute qu'elle est alors "aussi considérée comme une nourriture : c'est un genre de soupe de céréales qui nourrit au même titre que le pain".
Les premières traces écrites des recettes de bière remontent quant à elles à l'invention de l'écriture, vers 3.500 avant J.-C. en Mésopotamie. C'est à la civilisation sumérienne que l'on doit l'invention de l'écriture, mais aussi le nom de "Ninkasi", fameuse brasserie de la région lyonnaise. A tout symbole sa divinité, et les sumériens ne tardent pas à faire de Ninkasi leur déesse de la bière !
C'est en Syrie que l’on retrouve les plus anciennes brasseries de bière, toutes alignées les unes à côté des autres. "C’est la première fois qu’on met la production de bière à l’échelle de la collectivité", souligne Benoist Simmat. La production devant suivre la demande, les brasseurs s'imposent. En Égypte, d'ailleurs, la bière est même une monnaie : "Les ouvriers des pyramides de Gizeh sont payés en bière", s'amuse l'intervenant.
"C’est en Grèce antique que se crée la rupture entre la bière et le vin", constate Benoist Simmat. Là-bas, au Ve siècle, l’élite politique et les philosophes décident de faire du vin la boisson d'intercession privilégiée pour échanger avec les dieux. Le vin devient la boisson des élites, quand la bière est associée à "la boisson des campagnes et du peuple". Le christianisme, aussi, fait du vin une boisson sacrée : "dans la liturgie, il fallait un liquide de couleur rouge pour rappeler le sang du Christ”, note l’historien.
"Très vite, la bière s’impose", constate Benoist Simmat. Si le vin jouit d’une bonne réputation, la bière convainc tout autant. Dans les pays du Nord, elle reste prédominante. Pour l’intervenant, cela s’explique notamment par la géographie : "les pays nordiques n’ont pas de vignes". À cela s'ajoutent par exemple les monastères d'Allemagne qui vivent grâce au brassage qu'ils font de la bière. C’est d’ailleurs une "grande moniale savante", Hildegarde de Bingen, qui a l'idée d'ajouter le houblon dans la fabrication de la bière.
À travers le monde, il existe une multitude de manières de fabriquer la bière : celles que l’on boit en Chine, au Cameroun ou dans les Andes ont chacune leurs particularités. Dans son livre, Benoist Simmat évoque aussi le "boom des brasseries indépendantes". Ce phénomène vient des États-Unis : "face à la bière industrielle appauvrie en alcool et au goût fadasse, on créé des brasseries qui redonnent à la bière ses lettres de noblesse". Parce qu’aujourd’hui, si le vin reste une boisson noble dans l’imaginaire collectif, la bière s’invite aussi dans toutes les couches de la société.
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