Les musiciens de l’ensemble Hortus Musicalis (Philippe Froeliger, ténor, Philippe Spiesser, saqueboute et Jean-Luc Iffrig, orgue) présentaient en concert à Saint-Etienne le 11 mars 2023, quelques œuvres marquantes de cette influence italienne dans les pays du nord.
On sait tous comme la musique italienne a servi de modèle à toute l’Europe depuis fort longtemps. Il n’est que de compter les termes italiens qui fleurissent sur les partitions de nos compositeurs dès la Renaissance, qu’ils soient français, allemands ou espagnols.
Venise, terre de rêve pour les musiciens du nord
Très tôt les musiciens ont été attirés par ce pays, inventeur de l’opéra, du ricercare ou du concerto ! Parmi les villes italiennes qui au XVIIe siècle font le plus rêver, Venise se place en tête. Les compositeurs allemands ou hollandais de cette époque connaissent cette musique polyphonique chantée et jouée lors des fastueuses cérémonies de la basilique St-Marc, dont les partitions circulent dans les bibliothèques européennes.
Sweelinck et Schütz, tous deux attirés par l’Italie
Certains auront cette chance de se rendre à Venise pour parfaire leur art. C’est peut-être le cas du hollandais Jan Pieterszoon Sweelinck qui aurait fréquenté à Venise, le compositeur et théoricien Gioseffo Zarlino. Et c’est assurément le cas de l’allemand Heinrich Schütz qui part, à 24 ans, étudier auprès de Giovanni Gabrieli à Venise et y reste 3 ans.
C’est de ces séjours transalpins que ces musiciens du nord vont retirer une leçon toute latine de sensualité harmonique et d’exubérance mélodique. Schütz retournera d’ailleurs à Venise pour rencontrer Claudio Monteverdi. Le maître de chapelle de la basilique St-Marc qui a succédé à Giovanni Gabrieli, l’ouvrira à cette fameuse « seconda pratica », un style musical moderne pour l’époque, qui illustre le début de la période baroque.
Schütz et Sweelinck exporteront chacun à leur manière dans le monde luthérien du nord les techniques vénitiennes de la polyphonie, de la polychoralité (oppositions spatiales de groupes vocaux ou instrumentaux) et du « stile nuovo ».
Le "Stile nuovo" diffusé en Europe du nord
On comprend donc pourquoi ces deux compositeurs revêtent une telle importance dans l’Allemagne musicale du XVIIe siècle. Sweelinck d’abord qui bien que hollandais, va former des musiciens allemands de premier plan comme Jacob Praetorius, Samuel Scheidt ou Heinrich Scheidemann. Schütz ensuite dont l’œuvre conséquente (madrigaux, passions, magnificat, musique pour chœur, symphonies sacrées…) se diffusera largement via ses élèves, dans l’Europe du nord.
Deux Orphées essentiels pour la musique baroque
En ce début de XVIIe siècle, on aime à surnommer les grands artistes qui marquent leur région et leur époque. Est-ce en référence une fois encore à l’Italie et à l’Orfeo de Monteverdi, symbole des débuts de l’opéra, toujours est-il que Sweelinck de son vivant sera connu sous ce surnom « d’Orphée d’Amsterdam », avant d’être surnommé plus tard le « faiseur d’organistes » tant ses élèves devinrent les meilleurs représentants de l’école d’orgue d’Europe du nord.
Quant à Schütz, figure essentielle du baroque naissant en Allemagne, il saura réaliser une parfaite synthèse de la tradition luthérienne allemande et de l’influence italienne, vécue à Venise. Et lui sera surnommé "l'Orphée de Dresde".
Le concert spirituel retransmis de l’église St-Louis à Saint-Etienne confrontait sur ce thème des pièces de compositeurs italiens représentatifs comme l’organiste Michelangelo Rossi ou le célèbre Monteverdi, et quelques œuvres des musiciens influencés par l’Italie les plus emblématiques, presque tous disciples de l’Orphée d’Amsterdam !
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