Elle est la première femme noire devenue proviseure d'un lycée au cœur de Paris. Mahi Traoré raconte avec humour mais aussi gravité , le "racisme ordinaire " auquel elle est confrontée dans sa vie personnelle et professionnelle. Un témoignage fort d'une malienne, heureuse d'être devenue française et amoureuse de ses deux cultures. Mahi Traoré est l'auteur de "Je suis noire mais je ne me plains pas, j'aurais pu être une femme" (éd. chez Robert Laffont).
Mahi Traoré est une femme, noire et proviseure. Le titre de son livre "Je suis noire mais je ne me plains pas, j'aurais pu être une femme" publié aux éditions Robert Laffont en août 2021, laisse entrevoir son tempérament plein d'humour.
De l'humour, Mahi Traoré en a eut besoin pour lutter contre le racisme ordinaire qu'elle a découvert en grandissant. "On ne naît pas noire, on le devient" dit-elle. Naît à Bamako, elle atterrit à sept ans à Clichy-la-Garenne, avec sa maman et cinq de ses neuf frères et soeurs. "Dans cette ville et dans l'école où nous étions, nous n'avions pas conscience de notre couleur. Et moi personnellement, je n'avais pas conscience d'être une fille noire, j'avais juste conscience d'être une fille active de 7 ans" se souvient-elle.
En entrant dans l'âge adulte, que ce soit dans les transports en commun ou dans son premier travail, Mahi Traoré prend conscience de sa couleur de peau. C'est le regard que portent les autres sur elle qui lui font prendre conscience de sa "différence". Mahi Traoré n'est pas contre l'intérêt que portent les gens à ses origines. Mais pour elle, il faut différencier ce qu'elle appelle "la curiosité saine" du racisme ordinaire qui peut rapidement s'immiscer dans une conversation.
"On est étonné de vous voir occuper une fonction à laquelle on ne vous attend pas, on est étonné de vous voir dans un lieu "select". On ne me pose pas la question quand je suis à la Goutte d'Or, on ne me pose pas la question quand je suis dans les quartiers populaires du Nord de Paris, mais lorsque je me trouve dans une sphère feutrée, un peu moins "arc en ciel" comme je dis, là, le questionnement vient tout de suite, d'emblée" explique-t-elle.
Stricte et rigoureuse. C'est l'éducation qu'a reçu Mahi Traoré de sa mère qu'elle surnomme affectueusement "Thatcher". Ce sont ces valeurs qui l'ont poussée à aller au bout des choses. De la sixième à la terminale, la jeune Mahi retourne étudier à Bamako. Son désir est clair, elle veut devenir "la Anne Sinclair du Mali". Déjà à l'époque son ambition et grande et elle restera un moteur dans son quotidien. "La révolte qui est en moi a été aussi facteur d'ambition" lance-t-elle.
Dans son livre, elle raconte, entre autre, l'exclusion "subtile" qu'elle a vécu pendant ses études. Notamment ce jour, où elle était alors étudiante à la Sorbonne en lettres et invitée chez quelqu'un pour boire un verre de champagne. L'hôte sert du champagne à tout le monde sauf à elle. "On se dit, elle ne m'a pas considérée, je ne suis pas humaine, je ne suis pas son semblable, m'a-t-elle considéré comme une moins que rien ? Mais au lieu de le montrer par cette revendication, par cette colère, par cette blessure qui est en moi, je préfère qu'elle, elle voit l'humour, qu'elle voit autre chose et qu'elle voit l'absurdité de son action raciste. [...] C'est aussi un moyen que j'ai trouvé pour ne pas être victime de ces racismes quotidiens, très subtiles" raconte la proviseure.
Mahi Traoré croit en la pédagogie et c'est pour cela qu'elle en a fait son métier. Elle est la première femme noire de France, proviseure d'une lycée parisien. Un métier qui lui va bien, elle qui aime faire des ponts entre les cultures et les générations. La transmission et le partage sont synonymes de liberté pour Mahi Traoré. "Je ne balaye rien, je ne jette rien avec l'eau du bain, je dis juste qu'il faut partir avec ses richesses mais surtout il faut s'autoriser à sortir de l'autocensure et arrêter d'écouter cette voix des autres qui vous disent ce que vous devez faire ou comment vous devez le faire" conclut-elle.
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