Pour la rencontrer il faut se rendre dans le département de l'Isère, direction le massif de la Chartreuse et plus précisément le Charmant Som. C'est là, devant le sommet qui surplombe le monastère de la Grande Chartreuse, que se trouve l'alpage de Marjolaine Guigues, 22 ans, 70 vaches. Un parcours hors du commun et "une volonté de roc", comme la décrit Hélène Armand dans "Bergères en leurs alpages" (éd. Glénat). Elle illustre la nouvelle tendance de la féminisation du métier de berger.
Le 2 juin dernier, elle était là pour l'emmontagnée, c'est-à-dire la montée des vaches à l'alpage. Et bientôt, le 10 octobre, elle accompagnera la démontagnée. Au total, Marjolaine Guigues aura passé plus de quatre mois à l'alpage. Une parenthèse enchantée au rythme d'un travail acharné. Le jeune bergère - ici il faudrait dire "vachère" - est étudiante et se prépare à devenir ingénieur agronome.
Le silence, l'isolement... Contrairement à beaucoup de personnes de son âge, la jeune femme n'en a pas peur. Une vie "en dehors de la norme" c'est précisément ce qui l'attire. Berger, "c'est des heures et des heures assis ou debout sous la pluie dans l'herbe, avec les chiens". Il faut savoir être bien avec soi-même, comme elle le dit ! D'ailleurs elle n'en est pas à sa première expérience de bergère. Quand elle devait garder 2.000 moutons dans le Mercantour, elle a pris la mesure de ce que cela représente. "C'est une grosse responsabilité, il y a les falaises, c'est dangereux, il ne faut pas empiéter sur l'alpage des voisins." Bien loin de l'image d'Épinal qu'on en a, le métier de berger peut être en fait "vraiment stressant".
La plupart des femmes qui deviennent bergères ont choisi un métier passion. Et il y en a de plus en plus, un phénomène qu'elle a observé de près puisque Marjolaine Guigues a rédigé un mémoire sur le sujet. Pourtant "il ne faut pas se voiler la face", berger c'est physiquement difficile.
Mais avec de la volonté, de l'imagination et un matériel adapté, les femmes ont de quoi prouver qu'elles en sont capables. "On trouve plus de stratagèmes pour pallier à ce manque de force." Ce que la jeune femme ne dit pas, c'est qu'il faut aussi une volonté de fer. "Il y a des moments vraiment difficiles, parfois on se demande si on ne va pas y passer, quand on a les chaussures qui vibrent tellement l'orage est fort."
Lever 4h30, coucher à 21h. Une sieste est nécessaire si l'on veut tenir le rythme. Il y a 70 vaches à traire deux fois par jour, il faut encore nettoyer les sols, livrer le lait au fromager, sortir les vaches, désherber pour ôter la gentiane ou le vératre (toxiques pour les bêtes), surveiller les génisses, accueillir les clients... À l'alpage il y a toujours de quoi faire.
Là où elle travaille cette année près du Charmant Som, ils sont plusieurs : Olivier, le fromager est le propriétaire des animaux, Sabine sa femme, deux vachers et des stagiaires. C'est "un alpage particulier", explique la jeune femme, car on y accède par la route en voiture. Selon la topographie des lieux, l'altitude et le type d'animaux que l'on garde, la réalité du métier de berger est très différente.
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