Née à Calgary au Canada, Nancy Huston, qui vit aujourd’hui à Paris, est l’auteur de nombreux romans et essais publiés chez Actes Sud et chez Leméac, parmi lesquels Instruments des ténèbres (1996 ; prix Goncourt des lycéens et prix du Livre Inter), L’Empreinte de l’ange (1998 ; grand prix des Lectrices de Elle) et Lignes de faille (2006 ; prix Femina). Au micro de Thierry Lyonnet, elle revient sur son enfance marquée par l’abandon de sa mère, sa découverte de la France, le féminisme et son éternelle questionnement sur l’identité et la puissance des mots.
"Je suis quelqu’un de très circonspect à l’égard de l’identité. Je suis mon chemin". Voici ce qu’a un jour répondu Nancy Huston à la question, "chère Nancy, qui es-tu ?". Pour l’écrivaine à succès, nous sommes déterminés par notre patrimoine génétique, ce dont nous héritons, mais également par la résultante de tout ce que nous avons vécu. "L’être humain est très orgueilleux, surtout dans nos sociétés où nous avons une visée de haute performance dans tous les domaines. Je suis depuis longtemps sous l’influence de gens qui pensent autrement et qui m’aident à regarder cette vision là avec de la méfiance" explique-t-elle au micro de Thierry Lyonnet.
Nancy Huston se rappelle notamment son arrivée en France, où elle était, dit-elle, "le pur produit de la société américaine individualiste". "J’aimais être seule. La France était très marxiste à l’époque. On m’a fait comprendre qu’économiquement, c’était absurde de penser que j’étais indépendante. […] Je me rends compte que je n’adhère aujourd’hui à aucun groupe" ajoute sur RCF celle qui pose encore la question de l’identité, et donc de l’appartenance. "Je ne suis pas neutre, je suis la résultante de plusieurs choses. L’être humain générique n’existe pas".
Nancy Huston se souvient d’une enfance instable. "Ce sont les sables mouvants sur lesquels j’ai construit mon œuvre. Etant donné que la maison réelle changeait sans arrêt, j’avais besoin de tisser une continuité imaginaire. Je suis enracinée dans des fictions. A cette époque, la lecture tenait une place énorme. Et c’était une addiction, tout de suite" explique-t-elle au sujet de la lecture, puis de l’écriture et de ses velléités d’écrivaine.
L’enfance de l’auteure a aussi été marquée par un évènement, un "cadeau en mal" : le départ de sa mère. La mère de Nancy Huston a quitté le domicile familial, abandonnant son père, et ses enfants, en 1959. "La vie nous fait des cadeaux en bien et en mal. Il ne faut pas protester contre les épreuves que l’on reçoit. Cela nous aide à grandir et c’est notre chemin. Le fait que ma mère soit partie m’a certainement poussé à écrire dans une langue étrangère" lance-t-elle, ajoutant avoir dû très tôt écrire des lettres, du fait de la distance entre sa mère et elle. "Je dis souvent que c’est cela qui a fait de moi une femme de lettres".
La langue tient chez Nancy Huston une place déterminante. L’auteure écrit en français et en anglais. "Je suis tombé amoureuse de la langue française et de l’étrangéité en général. C’est une expérience décisive dans ma vie. C’est une bouée de sauvetage" précise Nancy Huston. "Cela vous donne une nouvelle identité dans laquelle vous n’avez pas vécu d’enfance. L’enfance est naturellement la période la plus fragile, la plus vulnérable. Dans la langue étrangère, vous n’avez rien de tout cela, vous êtes auto-engendré" ajoute-t-elle.
Il y a la découverte de la langue. Et la découverte d’une autre culture, face à laquelle on est étranger. "C’est cela qui est euphorisant. En l’occurrence, j’ai découvert un univers très politisé en France auquel je n’étais pas habitué. C’est très rassurant. Cela donne beaucoup de force. J’étais quelqu’un de très solitaire, et cet aspect collectif de la France m’a fait du bien" lance Nancy Huston, évoquant un milieu politique et intellectuel qui ne la fascine plus du tout…
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