Jeudi 14 juin à Moscou a lieu la cérémonie d'ouverture de la Coupe du monde 2018. Durant un mois "sur la planète entière on ne va parler que de football et ce sera difficile de l'éviter, comme dans les pays totalitaires il y a l'idéologie officielle et puis on ne parle de rien d'autre..." Robert Redeker ne mâche pas ses mots à propos du football. Il écrit "Peut-on encore aimer le football ?" (éd. du Rocher), un essai piquant où le philosophe décortique la planète foot pour montrer comment l'ère du spectacle et de l'argent roi a vidé le football de la part de rêve et de jeu qu'il est censé offrir.
Durant un mois donc, le monde entier aura les yeux rivés sur la Russie, pays hôte d'un événement ô combien médiatisé, sponsorisé, et dont les acteurs sont des stars mondiales. Les champions du ballon rond ne sont-ils pas désormais les grands de ce monde, richement payés, adulés, cotés, que l'on s'arrache à coup de millions ? "Cette histoire de mercato" que le philosophe compare à une "boucherie"... Bref, dans ce contexte où la dimension économique l’emporte sur tout autre aspect, le foot n’est-il pas en train de perdre son âme ?
Robert Redeker a beau se montrer sévère, pour consacrer un ouvrage - fût-ce un essai de philosophie - au football, ne faut-il pas aimer un tant soit peu ce sport ? Quand on lui demande : "Aimez-vous le football ? le philosophe répond... en philosophe : "C'est une question à laquelle il est difficile de répondre... Peut-on aimer autre chose que des sujets capables de répondre à votre amour soit des hommes soit de Dieu ? Mais là il s'agit d'un objet, peut-on aimer un objet ? Il faudrait dire 'Prisez-vous le football ?' mais il manque la dimension passionnelle et d'enthousiasme."
Passion, enthousiasme. C'est bien ce qui semble motiver les supporters dont les chants (les cris ? les hurlements ?) avec la pelouse verte et le ballon rond résument à eux seuls tout un programme. "Ce foot a pris une place considérable dans la société." Robert Redeker parle même "d'invasion" : "Je crois que le football est dans le monde contemporain l'une des choses les plus importantes."
Un concentré politique, social et métaphysique. Si l'on veut regarder le côté positif du football, on pourrait dire que c'est "la dernière structure collective qui rassemble tout le monde". Avec toutefois un effet prescriptif : Robert Redeker compare un match de foot à la morale d'une fable de La Fontaine qui "vous dit comment vous devez être". Ici, "performant, compétitif, riche, meilleur que les autres..."
À l'heure où l'on a renvoyé la religion dans la sphère privée - ce qui est "d'une ignorance et d'une inculture anthropologique phénoménale !" souligne le philosophe - et où on ne croit pas à la politique, "nous sommes dans une ère d'absence de sens et de vide". Les besoins anthropologiques fondamentaux restent, auquel répond le foot. "Je crois que le football répond à un besoin fondamental de l'humanité, y répond très mal et y répond dans le cadre de l'effondrement de structures qui y répondaient beaucoup mieux." Contrairement à la religion, le foot "n'apporte aucun message d'espoir pour l'humanité ni aucune transcendance".
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