Quand le théâtre interroge le vivant : rencontre avec Émilie Chevrier

Dans le cadre du P’tit Festival, présenté au Sonambule (Gignac) les 8 et 9 mars, la compagnie Filomène & Cie propose "ViE", un spectacle singulier qui mêle vidéo, objets et présence scénique d’un clown poétique pour explorer la notion du vivant. Un spectacle touchant qui s’adresse autant aux enfants qu’aux adultes et qui suscite rires, émotions et questionnements. Émilie Chevrier, comédienne et cofondatrice de la compagnie, nous en parle.

Un spectacle sur le vivant

"Quand on crée un spectacle, notre compagnie part d’un mot", explique Émilie Chevrier. "Ici, c’était le ‘vivant’, dans toutes ses dimensions : humaine, organique, végétale, animale, métaphysique… On s’interroge sur ce que signifie être vivant, sur le cycle de la vie qui naît, vit et s’en va."

Pour mettre en scène cette réflexion, la compagnie allie une création vidéo immersive et un travail d’objets, tout en donnant vie à un clown poétique. "On aime le spectacle vivant, le rapport direct avec le public, l’émotion partagée."

Des réactions qui varient selon le public

"Ce qui est fascinant avec ce spectacle, c’est qu’il est toujours différent", raconte la comédienne. "Quand on joue devant des scolaires, les enfants réagissent, rient, interagissent avec moi. Avec un public familial, où il y a des adultes, c’est souvent plus feutré, plus poétique. Parfois, j’ai l’impression de jouer deux spectacles différents alors que c’est le même !"

Ce dialogue avec les spectateurs se prolonge souvent après la représentation. "À la fin, j’enlève mon nez de clown, mes accessoires, et je vais à leur rencontre. La première chose qu’ils veulent faire, c’est me faire un câlin. Dans le spectacle, il y a une scène où je vais dans le public distribuer des câlins. Certains n’en ont pas eu et viennent me sauter dans les bras à la fin ! C’est un moment magique où je me dis que je fais le plus beau métier du monde."

Un spectacle qui touche toutes les générations

Le spectacle "ViE" pose aussi la question de l’après. "Nous sommes vivants, mais quand on ne l’est plus, où va-t-on ? Qu’est-ce qui reste de nous ?" s’interroge Émilie.

Ces thématiques trouvent un écho fort chez les enfants. "Parfois, ce sont les adultes qui sont les plus bouleversés. Mais il arrive aussi que des enfants viennent me voir et me disent spontanément : ‘J’ai pleuré’."

Une vocation née sur scène

Le travail pour le jeune public s’est imposé à Émilie presque par hasard. "Au début, je ne pensais pas du tout jouer pour les enfants ! J’étais comédienne, et un jour, j’ai passé une audition pour un spectacle jeune public. J’ai eu le rôle… et j’ai eu peur comme jamais ! Je n’avais jamais gardé d’enfants de ma vie, et me voilà face à une salle remplie de tout-petits."

Mais cette première expérience a été une révélation. "C’était incroyablement vivant ! Avec les adultes, il y a des codes : on reste assis, on se tait, au pire, on s’endort… Mais les enfants, eux, réagissent à tout ! S’ils s’ennuient, ils le montrent. S’ils ont des questions, ils les posent. Et s’ils rient, ils rient pour de vrai ! Après ça, j’ai su que je voulais créer mes propres spectacles pour les enfants."

Filomène & Cie : entre théâtre et vidéo

Fondée avec son collaborateur vidéaste, la compagnie Filomène & Cie explore des formes hybrides mêlant théâtre et arts visuels. "J’avais des idées de spectacles que je n’arrivais pas à monter seule, parce que j’avais aussi des images de cinéma dans la tête. En travaillant ensemble, on a pu sortir du théâtre pur et intégrer des éléments pluridisciplinaires : de la peinture, de la terre, de l’eau, des cailloux…"

Avec "ViE", la compagnie poursuit son ambition : "La scénographie et l’image sont essentielles pour nous, mais le plus important reste toujours le fond. On crée des spectacles parce qu’on a quelque chose à transmettre." Une transmission qui, à en croire les réactions des enfants et des adultes, touche en plein cœur.