Dans une tribune publiée le 21 septembre 2016 sur Facebook, Manuel Valls a appelé à ouvrir "de nouvelles pistes" en matière de minima sociaux. Et parmi elles, "une allocation unique, ouverte à tous, à partir de 18 ans, pour remplacer la dizaine de minima sociaux existant". Le premier ministre n’est pas le seul à défendre une telle option: à droite comme à gauche, le revenu universel a ses adeptes. Benoît Hamon, Frédéric Lefebvre, Christine Boutin - cette dernière fut d'ailleurs l'une des premières à envisager l'option dans le monde politique français.
Si l'idée séduit au-delà des frontières politiques, c'est qu'elle soulève de vastes questions. Parler de revenu de base ce n'est pas seulement pour assurer aux chômeurs un niveau de vie correct. Il y a derrière une vision paradigmatique de notre société. Les questions soulevées sont aussi bien philosophiques qu'économiques. Justement, un philosophe et un économiste sont les invités de Stéphanie Gallet pour en débattre.
L'idée est assez ancienne puisqu'on en trouve des prémices au XVIIIème siècle. Mais ses fondements philosophiques font l'objet de débats depuis une trentaine d'années seulement. On parle donc d'une prestation versée par l'Etat à tous les résidents légaux, de façon inconditionnelle, sans condition de ressource ou travail aucun, de façon universelle et individuelle, à tous et à chacun.
Que l'on parle de revenu de base ou d'allocation universelle, voire de revenu d'existence, on en comprend l'idée. L'utilisation des termes n'est cependant jamais neutre - pour Florent Augagneur, "il n'y en a pas de parfait". Le choix des mots dit l'idée vers laquelle on s'oriente. Un revenu individualisé peut plaire aux libéraux ; une allocation universelle peut être vue comme une façon de disjoncter le système capitaliste. Vus par tous comme "un moyen de penser une organisation sociale différente", d'après les mots de Florent Augagneur, l'idée a conquis l'économiste Jean-Eric Hyafil, lui qui a fondé le Mouvement français pour un revenu de base (MFRB).
S'il en défend l'idée, c'est que le revenu de base est pour Jean-Eric Hyafil "une solution pour ne plus être dépendant de la croissance". L'économiste a longuemment réfléchi aux emplois que le système capitaliste autorise ou non sans se soucier de l'intérêt collectif et individuel. Sans parler des dégâts collatéraux sur l'environnement. Dans son discours en faveur du revenu de base, il inclut "la possibilité de se réapproprier son travail".
"Il y a un vrai malaise chez les jeunes, observe Jean-Eric Hyafil, qui ne trouvent pas de sens dans leur travail." Les fameux bullshit jobs, à faible valeur ajoutée mais aux salaires corrects. Le revenu de base leur permettrait de travailler dans le secteur de l'Economie sociale et solidaire par exemple, en complétant des faibles salaires. Cette "citoyenneté capacitaire" comme l'appelle Florent Augagneur, intéresse notamment la Fondation Nicolas-Hulot et tous ceux qui aimeraient avoir du temps et des moyens pour faire avancer des projets citoyens.
Précisons-le: à ceux qui parlent de salaire pour les paresseux, Jean-Eric Hyafil répond: "Le revenu de base n'est pas un revenu pour ne pas travailler, bien au contraire! C'est un revenu distribué à tous pour que chacun puisse avoir un petit peu plus de marge de manœuvre pour définir son travail: qu'est-ce que je veux faire?"
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