C’est durant une semaine que Liège accueille les quatrièmes rencontres internationales du film et de la politique plus communément appelées « Politik ». Une quatrième édition plus longue, s’étalant désormais sur une semaine, signe de l’intérêt croissant pour cette thématique de la politique au cinéma.
Au programme, pas moins de Vingt-sept projections dont plusieurs avant-premières comme pour l’ouverture avec « L’acier a coulé dans nos veines », de Thierry Michel en sa présence.
D’ailleurs c’est une vingtaine de cinéastes qui sont venus présenter leurs film puis rencontrer le public. Car Politik, ce sont aussi des rencontres et des débats sur des thèmes comme la géopolitique en démocratie, l’avenir de nos villes ou le bilan après 7 ans de #MeToo.
Événement du festival : la projection du film d’animation « La plus précieuse des marchandises » de Michel Hazanavicius, une magnifique parabole sur la Shoah qui rappelle l’une des pires périodes de l’humanité tout en offrant par le dessin un message de solidarité et d’espoir d’un monde meilleur.
Ce dimanche, c’est un des films très en vue à Cannes, en mai dernier, qui referme le Festival Politik : « Diamant Brut » d’Agathe Riedinger, le portrait d’une ado marseillaise d’un milieu défavorisé qui rêve de succès et de reconnaissance, sur fond de réseaux sociaux.
Parmi les rencontres offrant au public liégeois de débattre autour du thème de la politique au cinéma, la venue du cinéaste français d’origine arménienne, Robert Guédiguian, était assurément un moment à ne pas manquer.
D’autant que cette rencontre a été agrémentée de la faconde et du délicieux accent marseillais du cinéaste bien connu pour ses choix politiques de gauche à qui l’on doit des films tels que « Marius et Jeannette », prix Louis-Delluc en 1997, « A l’attaque », « Le Promeneur du Champs-de-Mars », consacré à François Mitterrand, ou encore « Et la fête continue » qu’il a présenté juste après sa rencontre avec le public liégeois.
Le moins que l’on puisse écrire à propos du cinéaste Guédiguian, c’est qu’il travaille avec une famille d’acteurs et actrices habitués au rang desquels figure les indéfectibles Jean-Pierre Darroussin et Ariane Ascaride, son épouse.
C’est début des années 70, lors d’une rencontre politique à l’Université d’Aix-Marseille que Robert Guédiguian rencontre Ariane Ascaride, alors militante de l’UNEF (l’union nationale des étudiants de France). Si, à l’origine, elle ne se destinait pas au métier d’actrice, Guédiguian l’a fait jouer dans son premier film, « Dernier été ». A partir de là, Ariane Ascaride ne quittera plus jamais l’affiche des films de son mari, exception faite du « Promeneur du Champs-de-Mars ».
Robert Guédiguian filme entre raison et émotion, entre désespérance et nécessité de continuer à se battre, interpellant le spectateur, faisant appel à sa conscience. Sa filmographie est forcément engagée politiquement : « Je veux donner la parole aux pauvres et filmer des endroits que je connais. Je regarde le monde depuis la petite fenêtre où je suis né, Marseille, le Port de l’Estaque et ses habitants, sans en bousculer les codes. Le cinéma est un lieu, un espace propice au débat. Mon film « A l’attaque » en est un bel exemple ».
Le cinéma de Robert Guédiguian, c’est aussi une famille de fidèles : « J’aime travailler avec un groupe, un collectif en marche. Un peu comme avec une troupe de théâtre. Dans un contexte familial et amical, les acteurs n’hésitent pas à lâcher prise. Ils n’ont aucune mauvaise pensée. Ils sont en totale confiance. Et moi, je capte leur état d’acteur dans leurs personnages ».
« Et puis, Darroussin a plus ou moins le même âge que moi, notre plaisir de travailler ensemble est partagé. Quand on fait des films toujours avec les mêmes acteurs, c’est particulier : on voit le temps qui passe à travers eux ».
Robert Guédiguian se souvient alors du programme commun de la gauche, adopté en 1972 par les partis socialiste et communiste français : « J’étais très jeune, à l’époque. Je me suis battu pour ça. Mais négocier, c’est céder, en politique ou ailleurs. Par rapport à mon engagement politique, je trouvais que le résultat était décevant. C’était presque inévitable, malheureusement ».
Arrive l’opportunité pour Guédiguian de tourner « Le promeneur du Champs-de-Mars » consacré à François Mitterrand. Il s’explique sur son choix d’alors : « On me demandait depuis pas mal de temps si je ferais un jour autre chose, loin de mes décors et de ma troupe. J'ai toujours répondu que pour ça, il faudrait qu'une proposition vienne de l'extérieur et qu'elle soit exceptionnelle, porteuse d'un vrai pari artistique. Quand Frank Le Wita, un bon copain avec qui j'ai fait mon premier film, est venu avec ce projet, il m'est apparu qu'il présentait enfin toutes ces qualités ».
Et de prolonger sa réflexion sur François Mitterrand : « Je me suis demandé ce qu'il avait transmis et pas transmis, ou pas pu transmettre. Pour moi, ce qui reste de lui, c'est avant tout le programme commun de la gauche, la conquête du pouvoir. Pas son exercice après, qui n'a pas rempli les promesses, puisque le socialisme n'a pas vraiment eu lieu ».
Et puis Guédiguian compare Mitterrand à la figure du Roi : « Au fond, Mitterrand, c'est la figure du roi, au sens théâtral, comme chez Sophocle, Shakespeare ou Racine : celui qui a du pouvoir et se demande qu'en faire. Finalement, j’ai préféré le François Mitterrand d’après, celui que j’ai filmé ».
Filmé avec Michel Bouquet dans le rôle de l’ancien président français : « Il n’y avait qu’avec lui que c’était possible, martèle Robert Guédiguian. Il fallait que le spectateur oublie très vite l’image qu’il avait de Mitterrand. Il fallait que l’acteur qui allait l’incarner à l’écran impose sa propre aura, une présence forte. Seul Michel Bouquet pouvait réussir ça. Finalement, je me suis plus attaché à filmer Bouquet que Mitterrand. Et je pense ainsi avoir pu montrer qu’en fin de compte, riches ou pauvres, on est tous les mêmes ».
Et pour conclure : « Il faut résister à la tentation de suivre la loi du marché. Mon but, c’était d’abord de ne pas perdre de l’argent. Alors, si on en gagne, c’est magnifique ! »
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