Rencontre d’un sage traditionnel, le professeur et abbé Adrien Ntabona est très connu au Burundi. Cet expert de la culture et de la littérature traditionnelle burundaise était de passage en Belgique pour rencontrer des amis et donner quelques conférences, Quels sont les critères d’une humanité réussie, traduit par le mot “Ubuntu”, selon lui ? Que retenir de son énorme travail de recherche sur les liens entre les proverbes de son pays et les paroles du Christ ? Quelles sont les valeurs qui fécondent ces proverbes traditionnels ? Il répond au micro de Jacques Galloy.
Le Professeur Abbé Adrien Ntabona est de passage en Belgique. Durant ses 3 semaines de séjour, il a également fait un saut aux Etats-Unis. Il a rencontré de nombreux amis et a partagé sa passion, qui est « Ubuntu ». Le concept d'Ubuntu, c'est l'humanité réussie. « Dans la tradition africaine, nous avons ce concept et cette valeur d'Ubuntu dans la moitié de l'Afrique, de l’Afrique du Sud au Cameroun, un peu partout même si n’est pas le même mot. Nous en avons parlé d’ailleurs au colloque de la civilisation bantu à Libreville au Gabon. »
Le prof.-abbé Adrien Ntabona a visité 4.000 proverbes de son pays, le Burundi. Il a étudié les valeurs qui fécondent ces proverbes. Les 900 pages de sa thèse décrivent les aspirations humaines. Il a également analysé comment Dieu répondait dans la tradition et comment Dieu répond dans l'Évangile, en particulier de saint Jean. Il y développe le concept d’Ubuntu qui synthétise ces liens.
Il explique : « L'homme a une conscience et un cœur. En Afrique, cœur et conscience, c'est la même chose, un peu comme dans la Bible. Il est homme parce qu'il a une dimension communautaire. Dans sa conscience, dans sa tête, il n'est pas individu. Saint Thomas d'Aquin définit l'individu comme de la matière dotée de quantité. L'individu devient une personne seulement quand il a une dimension communautaire, c'est à dire le fait de se préoccuper d'autres personnes. Nous sommes très attachés à notre famille et j'ai toute une série de chapitres sur la famille élargie où l'homme se sent responsable, porteur de cette collectivité. Le voisin est aussi un membre de la famille élargie. J'ai découvert que la dynamique du partage est constitutive de la nature humaine. Quand l'homme est ennemi de cette collectivité, en s'opposant au moi communautaire, cela peut dégénérer en guerre, voire en génocide. C’est cela, le drame. »
Il a été marqué par son instituteur qui l’a encouragé et l’a accompagné alors qu’un autre instituteur voulait l’écarter de l’école pour des questions de brouilles locales. « Je lui ai fait honneur puisque j'ai été premier de classe et premier de l'examen national du Burundi pour les enfants de mon âge ». Il est inspiré par le film sur Gandhi. Il apprécie la façon dont il combattu pacifiquement. Il est devenu lui-même pratiquant de la non-violence active.
Il apprécie les livres et pensées de Theilhard de Chardin sur l’évolution humaine, la paléontologie, le Christ cosmique qui reviendra, mais après avoir transformé l'humanité et la terre. « Un jour, le Christ influencera le monde du dedans. Ce n'est pas un Christ qui tombe du ciel, mais un Christ qui va marquer le monde par le dedans même et l'animation du dedans de l'humanité. » Son lieu préféré est la paroisse universitaire où il a fondé une petite communauté humaine solidaire et complémentaire. Il y prépare des jeunes couples au mariage. « Cette Communauté est petite. Nous faisons partie de ces petites communautés qui composent l'Église d'Afrique. Le pape Jean-Paul II avait organisé un synode africain et j’avais été coopté comme père synodal, aussi comme simple prêtre. Il a été dit que que l'Église d'Afrique sera composée de petites communautés chrétiennes vivantes ».
La parole d’évangile qui l’inspire le plus est extraite de l’évangile de saint Jean, chapitre 10 : « Pour qu'ils aient la vie en abondance ». C'est ce qui motive toute son action pour que tous ceux qui l'entourent de loin ou de près aient toujours la vie. « Quand je dis la vie, j'entends non seulement la vie matérielle, mais surtout la vie spirituelle, sociale, culturelle, et cetera. Pour moi, c’est un devoir constant que mon entourage ait la vie, qu’elle l’ait en abondance. »
Ecoutez son interview dans le podcast.
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