Perte de sens, course au profit et destruction de nos ressources. Ceux qui ont lu Laudato si', l'encyclique du pape François sur l'écologie, ne pourront que trouver des nombreux points communs avec le propos de Valérie Cabanes dans son livre "Homo Natura - En harmonie avec le vivant" (éd. Buchet/Chastel). Sur RCF, la juriste en droit international, spécialisée dans les droits de l'homme, raconte son parcours hors normes, guidé par le courage, la nécessité de s'engager mais aussi l'empathie et une réelle préoccupation pour la planète et pour l'espèce humaine.
"On est intimement liés à la situation dans le monde." Valérie Cabanes a "passé 18 ans à diriger des programmes internationaux dans les champs de la santé et des droits humains destinés à des personnes handicapées, des femmes et des enfants exploités et victimes de violence, des enfants de la rue et des réfugiés", écrit-elle sur son site internet.
Après des études à l'institut Bioforce à Lyon, et une première mission au Burkina Faso, c'est au Pakistan, auprès des réfugiés afghans dont certains avaient sauté sur des mines qu'elle comprend l'importance des enjeux géopolitiques, dans un pays marqué par un conflit avec la Russie entre 1979 et 1989. "J'ai été très touchée par le peuple Afghan, d'une grande dignité, d'une grande poésie, d'une grande finesse intellectuelle, ce dont on ne se rend plus compte aujourd'hui avec tout ce que l'on raconte depuis 20, 25 ans." C'est aussi là qu'elle prend conscience que de "la lutte qu'on peut mener au niveau international pour défendre les droits humains".
En Ouganda, où elle effectuait une autre mission elle a été prise en otage. "Ça m'a encore plus rendu empathique, j'ai ressenti en tant que mère, en tant que femme, ce que pouvaient représenter la peur, le danger." Avec cette prise de conscience que "la violence est réelle, et qu'ici en France on vit dans des pays particulièrement préservés". En 2001, elle reprend des études, un double diplôme droit international et droits de l'homme, pour prendre la tête de l'ONG Planète Enfants & Développement. À 36 ans, elle oriente son engagement vers l'environnement et s'implique dans la défense des droits des peuples autochtones. Sa thèse en anthropologie juridique est consacrée au peuple Innu, qui vit au nord du Québec.
"Je suis fille de hippies", raconte Valérie Cabanes. Tout de suite on pense flower power et bons sentiments. C'est vrai que ses parents étaient des vrais, trois semaines après la naissance de leur fille en Bretagne en 1969 ils partaient déjà au Maroc, puis en Inde, au rythme de leur travail et de leur quête spirituelle. Mais pour elle, c'est une enfance marquée par les rencontres avec d'autres cultures, par "la découverte d'une planète magnifique qui [l'inspire] chaque jour". Et aussi "une tolérance à la différence et à la capacité sortir de ses cadres de référence". Valérie Cabanes ressentait, enfant, une réelle inquiétude. "Ce qui me perturbait beaucoup c'était l'état du monde." À 10 ans, elle a été la plus jeune membre des Amis du Livre de la paix de Bernard Benson, contre les armes nucléaires !
Aujourd'hui, Valérie Cabanes est la porte-parole du mouvement End Ecocide on Earth et fait partie de ceux qui ont organisé le procès fictif de Monsanto à La Haye. "Je m'oppose à ce qui dans l'industrie finalement devient une menace pour nous tous, sous prétexte d'apporter du confort immédiat." À l'entendre, rien d'idéologique, "juste du pragmatisme" et une vision à plus long terme que notre profit immédiat. Pourquoi donc voulons-nous tant accumuler, même le superflu, surtout le superflu ? Pourquoi cette course au profit qui nous entraîne vers une auto-destruction ?
Avec son frère elle a fait le calcul : la fortune de Bill Gates lui permettrait de vivre... 8 millions d'années au SMIC français ! Elle a aussi été vérifier où le milliardaire place sa fortune : par exemple dans la société Calico, propriété de Google, spécialisée dans la recherche sur le vieillissement, "qui travaille sur comment repousser le moment de la mort". Les technologies, c'est ce que "les transhumanistes ont choisi pour se dire 'foutu pour foutu, essayons de trouver des solutions pour que l'homme n'ait plus besoin de la nature, pour que l'homme devienne immortel...!'" Au fond, et si c'était ça le problème, les hommes et leur peur de mourir ? "En y réfléchissant profondément je crois que c'est ça..." confie la juriste.
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