Dans le secteur agricole, les difficultés financières mais aussi sociales sont nombreuses. À tel point qu'il y a jusqu'à 30 % de suicides en plus chez les agriculteurs que dans le reste de la population. Alors comment les aider et éviter d'aller jusqu'à ce point de non-retour? C'est la mission de Solidarité Paysans, un mouvement de lutte contre l'exclusion en milieu rural. Une exclusion qui touche de nombreux acteurs, petits paysans comme gros producteurs. Et contre laquelle entend lutter Aurélie Babou, animatrice à Solidarité Paysans Alsace.
RCF Alsace: Aurélie Baboud bonjour.
Aurélie Baboud: Bonjour.
RCF Alsace: Vous accompagnez les paysans en difficulté, ces difficultés on les connaît bien, elles ont encore augmenté ces deux dernières années avec la crise sanitaire. Est-ce que vous pouvez nous dire tout d'abord pour quels motifs viennent vous voir les paysans? Est-ce que c'est pour un mal-être généralisé? Est-ce que c'est pour des difficultés financières ou est-ce que c'est quelque chose de plus précis encore?
Aurélie Baboud: Alors, il y a plusieurs types de demandes. Souvent, ce n'est pas qu'économique, il y a d'autres difficultés derrière et c'est pour ça qu'on intervient dans une démarche globale. Donc ça peut être économique, juridique, relationnel. Et étonnamment, il y a eu plusieurs accompagnements qui concernent, au niveau relationnel par exemple, une transmission: soit dans un cadre familial, soit hors cadre familial. À ce moment-là, on fait une médiation entre le cédant et le repreneur, pour que la transmission se passe au mieux. Après, ça peut être des problèmes relationnels entre associés aussi. Là pareil, c'est un travail de médiation. Et sinon, ce qui revient, c'est au niveau juridique. Ça peut être un problème de bail, par exemple dans les procédures collectives, mais ça peut être aussi un redressement judiciaire ou une liquidation judiciaire. Et à ce moment-là, on a une juriste au niveau national et on a aussi le réseau qui a plus de 30 ans d'expérience, à qui on peut demander des conseils, et on accompagne les agriculteurs et leurs familles dans toutes les démarches. Ça peut être aussi les accompagner au tribunal parce que ce sont des démarches lourdes. Donc quand ils sont seuls, on est là pour les soutenir.
RCF Alsace: L'Alsace a parfois la réputation d'être assez riche dans son agriculture. Je pense notamment aux cultures de maïs. Pour autant, j'imagine que ce n'est pas le cas partout, qu'il y a des secteurs beaucoup plus précaires. Est-ce qu'il y a des zones ou des secteurs d'activité qui sont en difficulté dans la région?
Aurélie Baboud: L'Alsace a en effet été une région assez riche et c'est pour ça que Solidarité Paysans, par exemple dans d'autres régions, dans l'Ouest de la France ou en Bretagne, ils ont plus de 30 ans d'expérience. Et nous, on est assez récent, on est là depuis 2017 seulement, mais on a aussi bien de l'élevage que des viticulteurs, alors que c'est réputé être une profession assez aisée. Mais finalement, ils ont aussi de plus en plus de difficultés. Les céréaliers, on n'en a pas encore, mais c'est peut-être parce qu'ils ne connaissent pas. Il faut que l'agriculteur nous appelle pour qu'on intervienne. Mais je pense qu'il y en a qui sont aussi en difficulté. Donc non, ça touche toutes les filières.
RCF Alsace: Est ce que c'est facile pour les exploitants de venir vous demander de l'aide ou des conseils? Comment est-ce qu'ils entendent parler de vous ?
Aurélie Baboud: Alors ils entendent parler de nous grâce à vous, par le journal, ou on essaye de faire des manifestations. On va en faire une à la foire éco bio de Colmar par exemple. Mais après, ce qui est très difficile, c'est la démarche de nous appeler. Par exemple, il y en a un qui nous a dit : “Voilà, je vous ai connu par le site internet, mais j'ai mis six mois à vous appeler” et six mois après, son prêt était résilié. On l'a aidé à négocier avec la banque, mais avec le temps qui passe, les situations se dégradent et c'est plus compliqué de s'en sortir. Donc l'objectif, c'est vraiment qu’ils nous appellent le plus en amont possible, quand la difficulté commence à arriver et pour voir avec eux quelles solutions ils peuvent prendre, sachant que nous, on réfléchit avec eux à leur situation, et c'est toujours eux qui prendront la décision.
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