Pour Alexandre Poidatz, chroniqueur dans l'émission Je pense donc j'agis, il faut à la fois protéger le loup parce que l’heure n’est plus à la domination de la nature, mais à la coopération avec le vivant. Et en même temps préserver l'élevage pour maintenir une certaine biodiversité et un tissu social dans les zones rurales, et produire une alimentation de proximité et de qualité. Cela n'est possible qu'en y mettant les moyens... peu importe le coût.
Protéger le loup ou protéger l’élevage, faut-il choisir ? Je vais vous faire une confidence. Lorsque j’étais petit, ce qui revenait le plus dans mes cauchemars était le loup. J’avais peur du grand méchant loup, qui avait colonisé mon imaginaire. Or, aujourd’hui la crise écologique m’a invité à changer de regard.
Comme nous le dit le pape François dans Laudate Deum, nous sommes dans un monde où les "autres créatures ne sont plus des compagnons mais des victimes" (LD15). La modernité, la technique, nous a en effet habitué à ne plus faire attention aux autres formes de vie, mais à les exploiter. Je vois le loup comme le symbole d’une nouvelle relation entre l’humain et l’animal. Prendre soin du loup, c’est prendre soin de notre maison commune. L’heure n’est plus à la domination de la nature, mais à la coopération avec le vivant.
Ce n'est pas si simple car dans cette Maison commune, il y a aussi des humains. Quid des éleveurs ? Il y a 15 ans, je n’aurais pas été d’accord avec moi-même. Je grandissais alors à côté d’éleveurs, comme les grands-parents de mon ami Dylan, à 1 300 mètres d’altitude, en Haute Savoie, où les attaques de loups se multiplient.
Il m’est impossible d’évacuer l’idée que ces attaques infligent des souffrances aux éleveurs. Alors qu’ils travaillent du lever au coucher du jour, souvent sans prendre de vacances, et qu’ils nous nourrissent. Il m’est insupportable de les imaginer se culpabiliser, se réveiller en permanence la nuit quand les chiens aboient, être envahis d’impuissance. Notre transition vers un monde plus vivant ne pourra se faire sans les plus précaires. Sinon ce ne serait pas une véritable écologie intégrale.
Quel équilibre entre protection de l’espèce et préservation des activités humaines ? C’est en effet une question d’équilibre. Cette situation reflète l’enjeu posé par la crise écologique : la situation est complexe. Autrement dit, les solutions ne sont pas simples et les problèmes sont tissés ensemble. Ce sont toutes les formes de vivants qui se touchent.
De cette histoire de loup et d’éleveurs, je retiens deux principes pour répondre à la crise écologique. D’abord, l’écologie intégrale ne pourra se faire par la polarisation. Il faut apprendre à s’écouter les uns les autres, encore plus en ces temps-ci. Se mettre dans la peau du loup c’est comprendre que "la disponibilité aux autres êtres vivants nous rend mieux humains, une manière d’oublier son ego", comme le rappelle le philosophe Baptiste Morizot. Se mettre dans la peau de l’éleveur, c’est comprendre que l’élevage plein air, c’est aussi le maintien d’une certaine biodiversité ; le maintien d’un tissu social dans les zones rurales, et c’est la production d’une alimentation de proximité et de qualité.
D’autre part, alors que les éleveurs et les défenseurs de l’écologie crient au loup, le pire danger serait l’inaction. Comme le rappelle le pape François, "si les mesures que nous prenons aujourd’hui ont un coût, il sera d’autant plus élevé si nous attendons". Il est donc temps de faire la paix avec frère loup, peu importe le coût.
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